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Le franc pourrait reprendre de la valeur…

Publié le 02 juin 2010 par Cahier

Le franc pourrait reprendre de la valeur…Faut-il abandonner l’euro pour revenir au franc ? Cette question pouvait paraître surannée, pour ne pas dire saugrenue, il y a peu de temps encore. Mais la menace brandie par le président Sarkozy – qui aurait été rapportée par M. Zapatero – de faire sortir la France de la Zone euro si la chancelière Angela Merkel refusait d’adopter le plan d’aide à la Grèce a fait voler en éclats un tabou : celui de la pérennité de l’euro.

La concrétisation d’un projet rêvé par les gouvernants

La création d’une monnaie unique européenne relevait presque de l’utopie, du fantasme. La précédente tentative, l’union monétaire latine, impulsée par Napoléon III, n’avait d’ailleurs pas été probante. Ce pari assez fou a pourtant été relevé et réussi. La création d’une monnaie unique européenne, prévue par le traité de Maastricht, s’est concrétisée en 1999 avant de devenir la monnaie fiduciaire des habitants de la Zone euro en 2002. 320 millions d’Européens l’utilisent aujourd’hui dans 16 Etats, auxquels il faut ajouter le Kosovo et la Macédoine. Au-delà du symbole d’appartenir à une même entité, l’euro devait permettre de damner le pion au dollar, de remédier aux dévaluations compétitives entre Etats européens et d’accroître les échanges (et donc les richesses) entre les peuples et les entreprises.

Les pères de la monnaie unique, Jacques Delors, François Mitterrand et Helmut Kohl, avaient triomphé. Ils avaient tout simplement réussi à renouer avec la monnaie unique de Charlemagne.

La cassure dans l’opinion

Ce grand bond en avant est le dernier. Aucun dessein aussi déterminant pour la construction européenne n’a abouti depuis. Le projet de doter l’Union d’une constitution a été enterré, la voix de l’Europe sur les dossiers mondiaux reste largement cacophonique sur de nombreux sujets tandis que le couple franco-allemand devient moribond.

Et, surtout, les peuples ne suivent plus leurs gouvernants. Leur perception personnelle de la réalité ne correspond pas à ce qu’il leur avait été promis. La conséquence immédiate de l’euro a d’abord signifié pour eux une augmentation très sensible des prix pour les achats courants (de la baguette de pain au café). Et, si l’inflation restait à un niveau tout à fait négligeable dans les statistiques de  l’Insee, c’est parce que les prix des achats électroménagers ou des ordinateurs diminuaient. Aussi, la nouvelle monnaie n’a pas provoqué, c’est le moins qu’on puisse dire, de coup de cœur dans l’opinion : selon l’institut Ipsos, un an après son introduction dans les porte-monnaies, 47% des Français souhaitaient revenir au franc.

De même, alors que les responsables politiques de droite comme de gauche expliquaient que « plus d’Europe » rimerait avec « plus de prospérité », les gens ont vu au contraire le tissu économique se déliter. L’Union européenne incarne, aux yeux de beaucoup, le démantèlement des services publics et l’ouverture des marchés à une concurrence fatale pour l’industrie. Le basculement de l’opinion est particulièrement spectaculaire dans l’Hexagone. En 2003, une majorité de Français (61%) considéraient que la construction européenne constituait pour eux une source d’espoir. Selon l’institut BVA, une majorité (même relative, à 48%) estime désormais qu’elle représente une source de crainte.

L’Europe est quelque chose de trop sérieux pour la confier aux citoyens…

Désormais, lorsqu’on consulte les citoyens sur un projet européen, ceux-ci ont pris l’habitude de le repousser : en France ou aux Pays-Bas en 2005, en Irlande en 2008. Les gouvernants ont d’ailleurs pris acte de cette nouvelle donne dans l’opinion publique, devenue méfiante, voire rebelle, sur la thématique européenne. Les Français rejettent le traité constitutionnel par référendum ? L’essentiel de son contenu sera finalement intégré dans le traité de Lisbonne, adopté par les parlementaires. Par ailleurs, la révision constitutionnelle de 2008 a supprimé le dispositif rendant obligatoire la consultation du peuple par référendum pour tout nouvel élargissement de l’Union. Sur les sujets européens, la démocratie s’est en quelque sorte muée en aristocratie : les élites, dont les parlementaires en sont l’émanation, décident à la place du peuple.

L’euro, responsable de tous les maux ?

Dans ce contexte, la crise grecque a apporté sur un plateau un cas d’école pour les eurosceptiques. Non seulement l’économie grecque se voit fragilisée par un euro fort, qui pénalise notamment son activité touristique – alors que son voisin turc ne connaît pas cette contrainte – mais surtout le parapluie de la monnaie unique ne la protège pas. Un piège infernal, sans échappatoire possible : elle ne peut même plus sortir de la Zone euro pour dévaluer sa monnaie, sa dette étant calculée en euros ! Dès lors, les imperfections du système monétaire européen prennent un relief inédit. L’euro n’est-il pas finalement un deutschemark relooké ?  Même Christine Lagarde s‘est émue du déséquilibre en faveur de l’Allemagne  provoqué par le système actuel : les produits industriels allemands, hautement compétitifs, ainsi que la compression des salaires, sont parfaitement adaptés à la politique de l’euro fort appliquée par la BCE. La France, au contraire, semble plutôt en pâtir, à l’instar de la Grèce. Pendant ce temps, le Royaume-Uni ne parait pas pressé de frapper pas à la porte de l’union monétaire…

Les classes populaires favorables au retour du franc

Si les critiques à l’encontre de la monnaie unique, régulièrement distillées depuis la création de l’euro, ont désormais le vent en poupe, il n’en reste pas moins que le retrait de la France revêtirait une dimension dramatique, angoissante et remettrait peut-être en cause l’Union européenne elle-même. Aussi, selon un sondage LH2, seule une minorité (3 Français sur 10) souhaite la sortie par la France de la zone euro.

Mais un sondage Ifop sème davantage le trouble en nous informant que près de 4 Français sur 10 souhaitent abandonner l’euro pour retrouver leurs vieux francs. On pourrait être tenté de croire que les partisans de cette restauration se recrutent parmi les personnes âgées, nostalgiques du billet de Pascal. C’est en réalité chez les salariés modestes qu’ils sont surreprésentés : les employés et les ouvriers sont majoritaires (59%) à espérer un retour à une monnaie nationale. D’un tout autre avis, les cadres se montrent totalement rétifs (13%) à l’idée de revenir au franc, confirmant que le clivage sociologique est beaucoup plus déterminant sur cet enjeu que celui lié à l’âge ou à l’appartenance politique (gauche et droite parlementaires).

La crise de confiance à l’égard de l’euro ne touche donc pas que les marchés. Éviter qu’elle ne se répande dans l’opinion constitue également un enjeu crucial, dans un moment où l’Europe semble danser sur un volcan.


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