Il s'agit d'un nouveau style gouvernemental. Les principales manifestations du ministère de la Culture sont débaptisées et renommées depuis disons le début du deuxième mandat de Jacques Chirac. Or, je trouve que cela utilise surtout une tournure : l'impératif.
— La Fureur de lire était devenue Lire en fête. Et maintenant, c'est À vous de lire ! cette année (après avoir été supprimée l'an dernier et déplacée cette année à une période inopportune). Elle vient juste de se terminer sans aucune vraie politique de communication du ministère à ce sujet, tout s'est vraiment passé en catimini afin qu'aucun bibliothécaire ou documentaliste ou libraire ou enseignant ne sache que cela avait lieu. Comme si l'on avait eu honte d'avoir tué la Direction du livre et de la lecture dans ce ministère...
— La Semaine de la francophonie devient avec Dis-moi dix mots ! comme sous-titre qui sera amené à devenir le nom dans les écoles.
— La Fête de la musique créée dès 82 est devenue Faites de la musique !
— On a créé Rendez-vous dans les jardins ! (Belle initiative que j'approuve par ailleurs.)
— Et aussi Entrez dans la danse ! Autre création relativement récente. Notez tous les points d'exclamation...
Mais il y a une sorte de tropisme. Quelque chose qui ne va pas. Je sais que Philippe Muray s'est passablement moqué de l'Homo Festivus. Ou Finkielkraut de ce goût pour le divertissement obligatoire de l'ère Djâck. Cependant, il se manifeste bien plus ouvertement aujourd'hui avec ces différents changements de noms et ces créations. On est passés à l'ère du cynisme pleinement assumé.
C'est un peu étrange de retrouver partout le même impératif pour des fêtes qui devraient d'abord être des moments de liberté et de réjouissance. Il y a là un paradoxe : nous devrions nous sentir libres de venir ou non et on nous impose de lire, de jouer, de nous promener, de danser, de parler à notre guise, mais seulement dans le cadre qui a été défini par le pouvoir souverain.
Cette transformation des noms des manifestations culturelles est à mon avis une marque importante d'un régime décrié qui utilise ces occasions comme soupapes de sécurité. Amusez-vous dans ce que nous avons organisé ou sinon la police sera là pour réprimer vos apéros Facebook, vos manifestations et vos grèves. Comment conduire un peuple comme des moutons ? En s'adressant à lui comme à des moutons ! Nous sommes généreux et nous nous adressons à vous directement, ce que les régimes précédents n'ont pas fait. Il y a comme une atmosphère de Panem et Circenses qui ne me plaît guère. Et dans tout cela traîne l'impératif. Je n'aime pas trop.