En l’espèce, le blog n’affichait pas sa couleur humoristique mais prétendait émaner de sympathisants du maire afin de le soutenir dans son action. L’éditeur du blog, écrivait de façon anonyme mais était en fait un attaché territorial, inscrit sur une liste rivale du député-maire.
Extrait de l’arrêt
« Sur la responsabilité d’Antoine B.
Attendu qu’Antoine B. cherche à minimiser la portée des écrits qu’il a commis en les présentant comme entrant dans le cadre admissible d’une critique satirique des actions et de la personnalité d’un maire dont il ne partage pas les idées ; qu’il estime, étant placé du côté du moqueur, que Serge G. aurait dû prendre les choses avec bienveillance et qu’il fait preuve d’un singulier manque d’humour en exerçant son action ;
Attendu qu’il est exact que le contenu du blog pourrait passer pour de la satire politique locale de bonne guerre en période pré électorale puisqu’il raille la pose de jardinières florales à proximité d’un radar de contrôle de vitesse, le pavage à l’ancienne de certaines voies de la ville, le ravalement de la mairie, la suppression d’une trémie, les écrits publiés par l’intimé ou les personnalités de sa liste ; que, par ces aspects, le contenu du blog se situe dans la tradition du pamphlet politique et resterait tolérable si la présentation de ce contenu n’était destinée à tromper le lecteur ;
Attendu, en effet, que c’est surtout la forme utilisée qui détermine le caractère fautif des agissements d’Antoine B. : que ce dernier, dans l’intention délibérée de tromper les internautes, intitule son blog “les amis de Serge G.” et le présente comme ayant été “créé dans le but de soutenir fortement Serge G… l’initiative visant à rééquilibrer l’internet locale que nous jugeons trop défavorable au grand bâtisseur qu’est Serge G., l’homme du centre ancien” ; que ce blog, censé émaner des amis réels de Serge G., est perclus de fautes d’orthographe qui ont pour objet d’assimiler ces amis à des analphabètes ; que le comité de soutien est illustré d’une photographie d’un groupe de personnes du troisième âge censée être représentative des électeurs et des partisans de l’intimé (comme si d’ailleurs, pour l’auteur du blog, le fait d’être âgé constituait une tare empêchant définitivement d’avoir une conscience politique affirmée) ; qu’il va sans dire que les photographies des personnes aisément reconnaissables ont été reproduites sans leur consentement tout comme il n’a pas été demandé à Serge G. l’autorisation de publier sa photo pour illustrer des articles le dénigrant ;
Attendu que force est d’admettre que si le lecteur évolué fait très rapidement la part des choses et n’est pas abusé très longtemps par le procédé, il est tout aussi constant que la population des internautes n’a pas toujours un niveau intellectuel à la mesure des techniques nouvelles qu’elle maîtrise et qu’il se trouvera nécessairement quelques éléments qui prendront les articles du blog au premier degré, ce qui est de nature à fausser la loyauté du processus électoral ;
« Attendu que l’anonymat revendiqué par l’auteur du blog constitue encore une faute certaine dans la mesure où elle s‘inscrit justement dans le cadre d’un débat politique entre deux adversaires de listes opposées ; qu’en ne dévoilant pas son identité et en cherchant à brouiller les pistes en utilisant l’ordinateur mis à sa disposition par son employeur, Antoine B. empêche son adversaire de pouvoir lui répliquer directement ce qui fausse le jeu démocratique et il est révélateur de relever qu’Antoine B., si prompt à revendiquer le bénéfice de la loi sur la presse, empêche, par ce moyen, Serge G. de pouvoir bénéficier d’un quelconque droit de réponse ;
Attendu que l’anonymat recherché pour ce blog amène enfin, à s’interroger sur le point de savoir s’il n’avait pas vocation, du fait de cette clandestinité, à être maintenu après l’ouverture de la campagne électorale réglementant les formes d’expression des candidats si Serge G. n’avait pas annoncé publiquement l’ouverture des poursuites judiciaires contre son auteur ;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que les fautes établies contre Antoine B. justifient pleinement les mesures qui ont été ordonnées par le juge des référés et, dès lors, la décision de celui-ci sera confirmée y compris sur le montant de l’astreinte ordonnée, sauf à juger que c’est le présent arrêt et non l’ordonnance qui sera publié ; »
En définitive, les juges ont retenu qu’ en ne dévoilant pas son identité, et en cherchant à brouiller les pistes en utilisant l’ordinateur mis à disposition par son employeur, [le blogueur] empêche son adversaire de pouvoir lui répliquer directement, ce qui fausse le jeu démocratique.
Références :
- Cour d’appel d’Orléans, chambre civile, 22 mars 2010 – Cliquer ici
Sources :
-Legalis, 2010/05/28 – Cliquer ici