Louise Bourgeois, née en 1911, vient de mourir. Cette artiste multiple, (sculptures, installations, papiers...) m'émeut comme Francis Bacon m'émeut. Elle exerce sur moi la trouble fascination des représentations chimériques du corps. A l'heure de la standardisation artistique et culturelle, elle est, avec quelques autres, l'une des dernières figures de la singularité. Le centre Georges-Pompidou lui a consacré en 2008 une magnifique rétrospective, femme-araignée à l'appui dans le hall. Cette oeuvre monumentale, qui incarne la mère dévoratrice, ne doit pas occulter tous les autres chemins où Louise Bourgeois a déposé ses empreintes. Ses chambres-prisons plongées dans la semi obscurité procurent au spectateur le vertige des grands secrets. La langue est coupée quand on regarde au travers de leur judas grillagé. C'est que, en soi-même, le corps blessé saigne son silence.