L'incident qui a opposé Sebastian Vettel à Mark Webber au 40è tour du Grand Prix de Turquie dimanche restera assurément l'un des moments forts de la saison 2010. Sauf pour Red Bull évidemment, qui a laissé s'échapper un doublé qui lui tendait les bras, et se serait bien épargnée une mise au point entre ses deux pilotes.
Le différend sera cependant réglé avant le Grand Prix du Canada, a assuré le team principal de Red Bull Racing, Christian Horner. Voici donc de quoi éclaircir la situation, pour ceux qui n'ont pas tout suivi les derniers jours :
Que s'est-il passé lors du 40è tour du Grand Prix de Turquie
?
Christian Horner : Nous assistions à une situation unique pendant le Grand Prix de Turquie avec les quatre premières monoplaces séparées de deux secondes, Mark avait mené tous les
tours jusqu'au 40è. La course était jusqu'à présent la plus rapide et disputée de l'année avec quatre pilotes qui attaquaient vraiment très fort. Au 38è tour, Mark a modifié ses réglages de
mixture sur sa consommation de carburant pour un mode légèrement plus économe, qui faisait perdre en moyenne 0''180 au tour, tout en conservant le même régime moteur. Sebastian avait économisé
plus d'essence que Mark durant la course et c'est la raison pour laquelle il était capable de rouler un peu plus longtemps avec un meilleur mode, pour quelques tours
supplémentaires.
Aux 38è et 39è tours, le rythme de Sebastian augmentait et il se rapprochait de Mark tout en étant sous la pression de Hamilton. Après une très belle sortie du virage 9, Sebastian a eu une ouverture, une importante aspiration et s'est déporté sur la gauche pour dépasser Mark.
Mark a tenu sa trajectoire et adopté une position défensive, ce qu'il a le
droit de faire. Au moment où Sebastian était passé aux trois quarts, il a bougé vers la droite. Mark, lui, a malgré tout conservé sa position et il s'en est suivi un contact qui nous a
mené à l'abandon de Sebastian tandis que Mark endommageait son aileron avant, terminait troisième, et l'équipe perdait un doublé. En fin de compte, les deux pilotes auraient dû se
laisser plus d'espace.
Un pilote est-il plus à blâmer dans cet
incident ?
C.H. : Ce que nous attendons de nos pilotes, en tant que coéquipiers, c'est qu'ils se montrent un respect mutuel et laissent assez de place pour l'autre sur la piste.
Malheureusement, aucun des deux ne l'a fait dimanche et le résultat fut un accident entre les deux. Lors des six autres doublés que nous avons réussis à décrocher depuis 2009, il y avait de
nombreuses situations de lutte entre nos deux pilotes, mais ils avaient toujours respecté cela.
Que pensez-vous du geste de Sebastian quand il est sorti de la voiture ? (Il a fait un geste signifiant que la manœuvre de Webber était "très décalée".)
C.H. : L'adrénaline montait et il y a évidemment énormément de frustration quand vous venez d'avoir un accident en course. On en discutera et je suis certain que l'atmosphère sera apaisée avant
le Canada.
Certains on dit après la course que Mark était à blâmer
(montrant une certaine indifférence quant à la présence de son équipier sur son flanc gauche, qui a mené à l'accident). Pourquoi donc ?
C.H : Dans l'absolu, on gagne en équipe et on perd en équipe et dimanche, nous avons perdu en équipe, résultat d'un accrochage entre nos deux pilotes. Après avoir regardé toutes les informations,
c'est clairement un incident de course qui n'aurait pas dû arriver entre deux coéquipiers.
Après avoir eu accès à toutes les données qui ne l'étaient pas immédiatement
disponibles après la course, Mr. Marko (Helmut Marko, conseiller de l'écurie) a partagé complètement ce point de vue.
Que se serait-il passé selon vous si Mark et
Sebastian ne s'étaient pas accrochés ?
C.H. : La priorité de l'équipe était de terminer premier et deuxième, quel que soit l'ordre. Le Grand Prix de Turquie était probablement la
course la plus serrée de ces douze derniers mois avec une pression significative exercée par les deux McLaren. La cadence de Sebastian s'est améliorée à partir du 37è tour et il apparaissait
comme le plus rapide des deux pilotes Red Bull.
Si l'incident n'avait pas eu lieu, je crois que nous aurions signé le doublé et
marqué le maximum de points pour la deuxième fois d'affilée.
Étiez-vous satisfait que Sebastian dispute la première place à Mark à
cet instant de la course et à cet endroit ? Vous aviez le doublé, alors pourquoi donc ne pas en rester là ?
C.H. : Avec le rythme des McLaren et comme Sebastian semblait être plus rapide, la priorité était de remporter la course. Avec la pression intense de Hamilton, qui avait une McLaren disposant
d'un avantage significatif en vitesse de pointe, il aurait été impossible pour Sebastian de lever le pied, c'est sûr. C'est pourquoi il nous était acceptable pour lui de tenter un manœuvre de
dépassement.
Y-a-t-il eu des consignes d'équipe dans cette
situation ?
C.H. : Aucun pilote n'a reçu des instructions quant à sa position. Il n'y a pas de consignes d'équipe chez Red Bull, sauf un principe : que les deux pilotes doivent courir
l'un contre l'autre avec respect.
Comment allez-vous résoudre cette situation ?
C.H. : Nous
sommes une écuries très forte et nous allons nous réunir avec nos pilotes pour en parler ouvertement afin de comprendre ce qui s'est passé et éviter qu'une telle situation ne se reproduise. L'une
des forces de Red Bull est l'esprit qui y règne, qui a contribué aux performances réalisées depuis le début de la saison. Nos pilotes sont tous les deux intelligents et ce problème sera résolu
avant le Grand Prix du Canada.
Comment allez-vous gérer vos pilotes ? Leur
avez-vous déjà parlé ?
C.H. : J'ai discuté avec les deux pilotes, qui sont tous les deux déçus de ce qui s'est passé. Ils reconnaissent qu'ils représentent l'équipe et ne sont donc
pas trop déçus de leur cas personnel, mais plutôt par des points perdus par l'équipe qui avait travaillé d'arrache-pied avant cette course. Mais ils devraient se parler entre eux bientôt,
m'ont-ils dit.
Quels sont désormais les plans de l'équipe ?
L'un des deux pilotes recevra-t-il le statut de n°1 ?
C.H. : Nos deux pilotes, comme cela a toujours été le cas, recevront le même traitement. Cela va
continuer.
Y-a-t-il eu des points positifs de cette course pour l'équipe
?
C.H. : Jusqu'au 40è tour, la course avait été très positive pour nous. Malgré notre désavantage important en vitesse de pointe sur les McLaren, nous n'avons pas uniquement réussi à conserver la
position de Mark lors des ravitaillements sur Hamilton, mais nous étions également parvenus grâce à une excellente stratégie à permettre à Sebastian de passer Hamilton aux ravitaillements. Nous
étions poussés très fort, mais la course semblait à notre portée jusqu'au 40è tour. Nous allons désormais rebondir en équipe et nous concentrer sur le Grand Prix du Canada.
Quel est l'opinion de Mr. Dietrich Mateschitz (le propriétaire de l'équipe) sur l'incident ?
C.H. : Dietrich a discuté avec les deux pilotes à la suite de l'incident. Il les a toujours soutenus
équitablement et a résumé cela par : « Une merde, ça arrive... Nous ne devrions pas nous concentrer sur le passé, mais sur le futur. Nous n'avons pas seulement la meilleure voiture, nous
avons également deux des meilleurs pilotes. »