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Comment mesurer la dette publique ?

Publié le 02 juin 2010 par Davidmourey25
Dans la dernière partie du chapitre 16, intitulé «Les débats sur la dette publique » de l’ouvrage « Macroéconomie », Grégory N. MANKIW, professeur d’économie à l’Université d’HARVARD, attire l’attention des lecteurs sur les précautions à prendre en matière de mesure du déficit budgétaire. Si la mesure du déficit budgétaire exige de la prudence, étant donné que la dette publique est la somme des déficits cumulés passés, alors la mesure de cette dette publique doit être interprétée avec une égale prudence. La mesure est enjeu crucial en économie. En effet, savoir ce qu’on mesure et avoir pleinement conscience des limites du résultat obtenu permet de faire un diagnostic plus sérieux de la situation considérée. Idéalement, nous devrions savoir clairement ce que nous permet de mesurer notre indicateur et ce qu’il ne nous permet pas de mesurer. De cette manière, nous pourrions éviter de « faire dire aux chiffres » ce qu’ils ne disent pas. En l’occurrence, l’estimation de la mesure de la dette publique est d’une importance majeure car à travers elle, c’est une estimation de la politique budgétaire passée et en cours qui est donnée. Celle-ci permet alors de tracer les figures de l’avenir en matière de politique budgétaire et fiscale. « Mesure-t-on correctement le déficit public ? » Il ne peut y avoir de débat solidement fondé sur des arguments sérieux sans une sage utilisation des instruments de mesure disponibles. Il est donc indispensable de s’interroger sur les enseignements que l’on peut rigoureusement tirer des estimations que nous fournit notre indicateur. Tout indicateur statistique est, par construction, le résultat de conventions. Un indicateur ne peut mesurer que ce qui reste dans le cadre de la définition du concept auquel il se rapporte. Ainsi, le concept de dette publique va permettre de définir ce qui sera considéré comme appartenant au « domaine de la dette publique » et qui peut être mesuré au titre de cette dette publique. Selon l’étendue du champ couvert par le concept, la taille de la mesure associée sera plus ou moins importante. La limite imposée par le champ conceptuel est une première limite inhérente tout indicateur. D’autres limites vont venir éroder la pertinence de la mesure obtenue à partir des indicateurs économiques. Macroéconomie Blanchard Cohen 2010 Du concept de dette publique à sa mesure  La dette implicite ou les engagements hors bilan Grégory N. MANKIW nous rappelle que certains engagements des pouvoirs publics ne sont pas explicitement pris en compte dans l’évaluation du déficit budgétaire et de la dette publique. Il en est ainsi du montant des pensions de retraite que l’Etat devra verser, parce qu’il s’y est engagé, aux fonctionnaires qui partiront à la retraite. Selon MANKIW, « Fondamentalement, ces fonctionnaires prêtent de l’argent à l’Etat. Les pensions qu’ils toucheront demain représentent pour ce dernier un engagement au même titre que le reste de sa dette. Cependant, l’accumulation de cette dette là n’apparaît pas dans le déficit budgétaire. » De manière analogue, les engagements de l’Etat au titre des autres branches du système de sécurité sociale ne sont pas pris en compte dans le calcul du déficit budgétaire. Pourtant, dans les deux cas, l’Etat est engagé à effectuer des versements qui pourraient exiger des emprunts supplémentaires d’autant plus que les recettes seraient durablement insuffisantes par rapport aux dépenses et que le niveau des prélèvements serait déjà élevé. Enfin, lorsque l’Etat se porte garant de l’emprunt de certaines personnes privées, il peut être amené, en cas d’insolvabilité du débiteur, à rembourser les sommes empruntées. Le montant de la dette publique, non compte tenu des engagements implicites, peut donc être largement sous estimé. Les actifs immobilisés de l’Etat Pour de nombreux économistes, on ne peut pas mesurer correctement l’endettement public sans prendre en compte ses contreparties. Une évaluation convenable doit comparer l’endettement brut et la valeur des actifs immobilisés. Il faut donc préférer l’évaluation de la dette nette à l’évaluation de la dette brute. Dans le cadre de cette approche de la dette publique, avoirs et engagements sont les deux faces inséparables d’une même réalité. Autrement dit, dans une perspective dynamique, accroissement de la dette et accroissement des actifs sont équivalents. Cependant, il n’est pas aisé de définir, sans discussion, les dépenses publiques qui doivent être prises en compte parce qu’elles relèvent d’un investissement et qui ont, à ce titre, exigé et justifié un endettement préalable. Pourtant, même si la mesure reste complexe et imprécise, une estimation relativement imprécise semble préférable à une ignorance absolument précise. De quelques limites propres aux indicateurs statistiques Dette en euros courants, dette en euros constants Pour bien mesurer le déficit public et donc, in fine, la dette publique, Grégory N. MANKIW nous invite à distinguer l’évaluation en valeur nominale de l’évaluation en valeur réelle. Autrement dit, toute évaluation du montant du déficit budgétaire et de la dette publique doit prendre en compte les effets de l’inflation. Si la dette publique augmente de 10% au cours de l’année, est-ce à dire qu’elle a réellement crue de 10% ? Non ! Si, au cours de la même année le taux d’inflation est de 10%, les prix ont cru en moyenne de 10%, alors la dette est inchangée en termes réels. Ce phénomène d’illusion monétaire peut donc nous laisser croire que la dette s’est accrue alors qu’il n’en est rien. Le montant de la dette publique et son évolution, au cours d’une période, n’ont donc de sens qu’au regard de l’évolution comparée de l’inflation. Déficit conjoncturel et déficit structurel La dette est la somme cumulée des déficits passés. Pour chaque déficit budgétaire annuel, on peut distinguer deux composantes : une composante conjoncturelle et une composante structurelle. La partie conjoncturelle du déficit résulte du simple jeu des variations de l’activité économique. A politique budgétaire donnée et inchangée, ce sont les variations de la croissance du PIB (production intérieure brute) qui vont expliquer les variations de la différence entre le montant des recettes et le montant des dépenses. En période de ralentissement, la croissance est moins rapide. Les rentrées fiscales et sociales sont plus faibles alors que, simultanément, les dépenses augmentent spontanément. Le jeu de ce qu’on appelle habituellement les stabilisateurs automatiques contribue à creuser le déficit en période de croissance ralentie et à réduire ce déficit en période d’accélération de la croissance économique. Le déficit structurel est le résultat d’un changement discrétionnaire de la politique budgétaire. Autrement, il est la conséquence d’un nouveau choix politique délibéré : hausse ou baisse des taux d’imposition, hausse ou baisse des dépenses publiques... Et cela, quelle que soit la conjoncture économique. Il convient donc, lors de la présentation des chiffres du déficit budgétaire et de la dette publique de présenter un solde budgétaire corrigé des effets de la conjoncture économique. Cela permet de prendre la mesure de l’ampleur du déficit qui relève de la responsabilité des dirigeants politiques. Enfin, Grégory N. MANKIW nous explique que l’orientation de la politique budgétaire ne peut être estimée exclusivement à l’aune de la seule mesure du déficit budgétaire et de la dette publique, à plus long terme. D’autres documents budgétaires sont indispensables à une complète compréhension de la question. Les débats sur la dette publique et sur le déficit budgétaires ne doivent se focaliser sur les seules mesures de ces deux grandeurs sous peine de biaiser le diagnostic et de proposer une médication qui pourrait se révéler pire que le mal qu’elle est supposée soigner.

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