Magazine Politique
Rappels :
Dans la perspective du grand débat sur la dette publique que j’organise à Pontault-Combault, mardi 17 avril 2007, je vais vous proposer plusieurs billets sur cette
question centrale à partir de ce samedi 7 avril 2007.
« LA DETTE PUBLIQUE ET LES GENERATIONS FUTURES »
Un grand débat d’économie se tiendra donc mardi 17 avril 2007 à 20 heures dans la salle Jacques BREL à
Pontault-Combault. Les trois intervenants seront Michel PEBEREAU (Président de BNP-Paribas et Président de la commission qui a rédigé le rapport « Rompre avec la
facilité de la dette publique »), Jean PISANI-FERRY (Directeur de BRUEGEL, Brussels European and Global Economic Laboratory) et Xavier TIMBEAU (Directeur au
Département Analyse et Prévision de l’OFCE).
La gestion de la dette publique est un enjeu crucial dans les économies européennes. C’est, en outre, un sujet qui se trouve (mais peut-être pas
assez) au cœur des débats actuels en France. Cette question est également fondamentale dans le domaine de l’analyse macroéconomique.
Dans une perspective comparative, ce débat que nous avons aujourd’hui en France autour de la dette publique, de son ampleur, de ses causes et de
ses conséquences, peut être rapproché d’une controverse qui a eu lieu aux Etats-Unis à partir du début des années 80.
En m’appuyant ici sur le manuel de « Macroéconomie » de P.A SAMUELSON et W.D NORDHAUS, je vais essayer de montrer en quoi le débat
américain peut éventuellement nous éclairer en France, aujourd’hui. P.A SAMUELSON a reçu le Prix Nobel d'économie en 1970.
Je tiens à préciser très clairement qu’il ne s’agit aucunement de caricaturer les points de vues des différents intervenants dans cette affaire en France depuis
quelques mois. L’affaire me semble bien trop sérieuse pour éviter de verser dans la polémique stérile.
Certains passages sembleront défavorables aux thèses défendues par Michel Pébereau et plutôt favorables à ses contradicteurs. D’autres paragraphes, plus
approfondis, permettront d’y voir un peu plus clair et donc de mieux comparer les arguments des uns et des autres.
Tel est mon seul et unique objectif avec ce premier billet et les suivants.
Pour commencer, nous pouvons lire dans le « Chapitre 34 : Politique budgétaire, déficits et dette publique », du manuel de
« Macroéconomie » rédigé par PA SAMUELSON et WD NORDHAUS que « L'Etat fédéral des Etats-Unis a généralement connu l'équilibre
budgétaire depuis la Révolution américaine.Les fortes dépenses militaires de temps de guerre ont étégénéralement financées par
l'emprunt, si bien que la dette publique a eu tendance à faire un bond en temps de guerre. L'Etat a remboursé, en temps de paix, une partie de la dette, et la charge de
celle-ci a diminué. Cette structure s'est modifiée au cours des années 1980. L'Administration Reagan s'est inspirée d'une nouvelle philosophie économique prônant la réduction des
impôts tout en augmentant fortement les dépenses militaires de l'Amérique. L'équilibre budgétaire a été sacrifié à d'autres objectifs, et le déficit budgétaire fédéral a augmenté
de plus de 200 milliards de $ par an au milieu des années 1980. La dette publique est passée de 660 milliards de $, quand le Président Reagan a pris ses fonctions, à presque 2
000 milliards de $ quand il a quitté le pouvoir en 1989. Les politiques économiques de l'époque Reagan ont marqué un tournant dans l'histoire budgétaire américaine, conduisant à une lutte pour
contenir le déficit qui a duré jusqu'aux premières années 1990. »
Les auteurs de cet ouvrage fondamental en macroéconomie se demandent alors :
« Quelles ont été les causes de la soudaine augmentation des déficits au cours des années 1980 ? Comment les importants déficits
ont-ils influé sur la structure de l'investissement et de l'épargne ? Quelle est la relation entre épargne privée et épargne publique ? Les déficits publics ont-ils
« évincé » l'investissement ? Et quel est l'effet durable de la dette publique sur la croissance économique ? »
Toutes ces questions, et d’autres, nous les retrouvons en France depuis quelques années et le débat s’est intensifié avec la
parution du rapport Pébereau en 2006.
Très vite, afin de poser les termes de la discussion, PA SAMUELSON et WD NORDHAUS nous rappellent que l’analyse économique des finances publiques reste
fortement marquée par des conceptions traditionnelles.
« Les finances publiques à l'ancienne » sont caractérisées par les trois principes classiques
suivants :
1 - « Les finances publiques ne sont qu'une application des finances familiales. Si chaque mois un couple dépense plus que son
revenu mensuel, c'est la faillite avec la misère au bout du chemin. C'est la même chose pour l'oncle Sam. »
Autrement dit, l’Etat en bon père de famille doit modérer ses dépenses et les maintenir en adéquation avec l’évolution de ses recettes.
2 - « Le budget doit être équilibré chaque mois ; le budget doit en outre être d'un faible montant, avec des dépenses modérées et
des objectifs strictement limités. »
La recherche de l’équilibre budgétaire est clairement avancée dans les débats français actuels, en particulier par quelques candidats.
3 - « La dette publique est un fardeau légué à nos enfants et petits enfants ; chaque dollar de dette est semblable à une lourde
pierre que nous devons porter sur nos épaules. »
Ce message est clairement exprimé dans le rapport de la commission présidée par Michel Pébereau, dans le livre de Thierry Breton (Anti Dette), dans celui de Patrick
Artus et Marie-Paule Virard (Comment nous avons ruinés nos enfants) .…
PA SAMUELSON et WD NORDHAUS font à cet instant le constat suivant : « Bien que l'économie financière ait fait de grands progrès, ces idées
simples refont périodiquement surface. A la suite de la forte croissance des déficits et de l'accumulation rapide de la dette publique, au cours des années 1980, les gens sont
revenus à ces conceptions anciennes des vertus d'un budget équilibré. Mais aujourd'hui peu de spécialistes expérimentés de finances publiques reconnaissent la validité des trois principes
de nos ancêtres. Notre tâche est de comprendre la logique et la pratique qui sous-tendent les conceptions modernes relatives aux budgets. »
Selon PA SAMUELSON et WD NORDHAUS, l’approche classique des finances publiques considérée de manière naïve n’est plus valide car trop simpliste, mais il convient de
la prendre en compte pour bien saisir l’origine de certains arguments présents. D’autant plus, que cela nous permettra de mieux mettre en perspective ce type d’arguments aujourd’hui avancé par
des économistes aussi chevronnés que Michel Pébereau et Patrick Artus afin de ne pas caricaturer leur message. J’ai vraiment du mal à croire que de tels économistes puissent tomber dans de tels
pièges, dans une sorte de simplisme comme certains aimeraient à le faire accroire.
Qu’en est-il de l'économie financière moderne ?
PA SAMUELSON et WD NORDHAUS insistent sur la nécessité, vérifier théoriquement et empiriquement, d’utiliser une politique budgétaire appropriée
afin de stabiliser l'économie dans le cycle, dans la mesure où « des déficits plus importants combattent la récession tandis que des déficits moindres ou même des excédents freinent
l'inflation. »
Pour autant, ajoutent-ils, « qu'en est-il si les nécessités de la politique de stabilisation provoquent l'augmentation continuelle des déficits et
de la dette publique ? Devons-nous, comme nos grands parents, nous inquiéter des déficits et de la dette
? »
« Il n'y a pas de réponses simples à ces questions. » précisent-ils. Pour obtenir des réponses, il faut analyser les effets
des déficits et des dettes sur l'économie : Les déficits sont-ils induits par les récessions ou par la politique économique ? Est-ce que les déficits « évincent » ou « encouragent »
l'investissement ? Quel est le véritable poids économique de la dette publique, et quelle est l'influence de la dette sur la croissance économique ? »
Ils rappellent qu’un « point de départ indispensable est de distinguer les déficits structurels et les déficits cycliques. « La
distinction entre déficits structurels et cycliques constitue l'une des distinctions les plus importantes des finances publiques modernes. »
« La partie structurelle du budget est la partie active - déterminée par des politiques délibérées (ou discrétionnaires)
telles que la fixation des taux d'imposition, des prestations de sécurité sociale ou de l'importance des dépenses militaires. A l'inverse, la partie cyclique du budget est
déterminée passivement par l'état du cycle économique, c'est-à-dire, par le niveau plus ou moins élevé du revenu national et de la production. »
« En fait, la différence entre les budgets structurels et cycliques est semblable à celle entre les stabilisateurs discrétionnaires et automatiques. La
distinction entre les déficits cycliques et structurels nous permet de mieux apprécier le véritable impact de la politique budgétaire. Pour évaluer les effets de la politique budgétaire, il est
nécessaire d'examiner attentivement le budget structurel. »
Les auteurs constatent qu’aux Etats-Unis, « la majeure partie du déficit, au début des années 80 a été due à la profonde récession, avec une faible
augmentation du déficit structurel ». « Après 1982, le déficit structurel a fortement augmenté à mesure que le déficit conjoncturel s'est réduit. »
L’examen des composantes permet d’observer que « l'augmentation du déficit a été due au fait que les quatre facteurs explicatifs sont devenus
déficitaires : les impôts ont diminué, alors que les dépenses militaires, les versements d'intérêt et les paiements de
transferts ont augmenté. Les dépenses militaires et les versements de transferts ont constitue les deux augmentations les plus importantes. Les premières ont été dues principalement à
l'effort de défense et ont constitué une mesure délibérée de politique économique ; les autres ont constitué le résultat inattendu d'une politique monétaire restrictive et d'une dette publique
plus élevée. En fin de compte, aucune cause unique ne peut être identifiée. A l'inverse on est en présence d'une combinaison de politiques économiques et
d'événements interagissant et évoluant dans le même sens qui ont conduit à des déficits croissants. »
Une combinaison de politiques économiques et d’événements analogues ne pourrait-elle pas être, en partie, à l’origine du gonflement des déficits budgétaires et de
l’explosion de la dette publique dans de nombreux pays européens depuis le début des années 90 ?
Les conséquences économiques du déficit
« La dette publique est le montant cumulé des déficits passés. Pour évaluer l’importance de la dette actuelle il est toujours utile de replacer le problème
dans une perspective historique et pour comprendre l’influence de la dette et des déficits sur l’économie, il est utile de séparer les effets de court terme des effets de long
terme. »
« A court terme, le montant de la dette publique est donné et nous devons tenir compte des variations de la production autour de
son potentiel. » A court terme, on s’intéresse à l’ampleur des effets d’éviction potentiels de la dépense privée par la dépense publique. Cette ampleur va dépendre de
la réaction de la politique monétaire. Si la réaction monétaire à une hausse des dépenses publiques est forte et se traduit par une hausse des taux d’intérêt de manière à lutter contre
l’inflation suscitée, alors, l’éviction sera totale. Si la réaction de la politique monétaire est expansionniste parce qu’il existe de grandes capacités de production inutilisées, alors l’effet
d’éviction est faible voire nul.
Aux Etats-Unis, dans les années 60, l’expansion budgétaire semble avoir encouragé l’investissement. Dans les années 80, inversement, la politique monétaire
restrictive est venue contrecarrer les effets expansionnistes de la politique budgétaire.
« A long terme, la dette publique est variable et la production tend vers son niveau potentiel. La dette publique et son
évolution ont un impact sur la formation du capital et sur la consommation des générations futures. C’est le fardeau de la dette. » A long terme, on s’intéresse à l’ampleur des
effets de la dette publique sur la croissance économique et sur les consommations respectives des générations présentes et futures.
La dette publique élevée diminuera-t-elle le niveau de vie futur de l'américain moyen ?
« La question soulève trois problèmes spécifiques : les difficultés d'assurer le service d'une de externe
importante, les inefficacités associées au prélèvement des impôts pour verser l'intérêt sur la dette, et la croissance économique moindre du
fait qu'une dette importante ralentit l'accumulation du capital. »
Dette externe et dette interne
Il faut absolument faire la distinction entre dette interne et dette externe insistent les auteurs..
« Une dette interne est due par une nation à ses propres citoyens. Beaucoup de gens soutiennent que la charge d'une dette
interne est nulle parce que « nous la devons à nous-mêmes ». Bien que cette affirmation soit très simpliste, elle n'est pas sans fondement. Si chaque citoyen détient 10 000 $
d'obligations d'Etat et si tous sont imposés de façon identique pour assurer le service de cette dette, il est absurde de raisonner en termes d'une lourde charge de la dette que chaque citoyen
doit porter ; les citoyens ne font que devoir la dette à eux-mêmes. »
« Une dette externe est due par une nation aux étrangers. Cette dette se traduit vraiment pour les
citoyens de la nation endettée par un prélèvement net sur les ressources disponibles. »
« De nombreuses nations ont rencontré, au cours des années 1980, de grandes difficultés économiques après être devenues fortement
endettées. Elles ont été contraintes d'exporter plus qu'elles n'ont importé - pour dégager des excédents commerciaux - pour « assurer le service de leurs dettes externes »,
c'est-à-dire, pour payer intérêt et principal sur leur anciens emprunts. Des pays comme le Brésil et le Mexique ont dû consacrer, à la fin des années 1980, le quart ou le tiers de leurs recettes
d'exportations à assurer le service de leurs dettes externes. Le fardeau du service e la dette externe entraîne une réduction des Possibilités de consommation d'une Ration. Les
Etats-Unis, à la fin des années 1980, ont rejoint la liste des pays débiteurs. Leur déficit externe important (leurs exportations nettes négatives) a fait passer les Etats-Unis stade de
nation créancière à celui de nation débitrice. Les Etats-unis devaient, en 1990 plus de 400 milliards de $ au reste du monde. »
Quelles en sont les conséquences sur l'économie des Etats-Unis ?
« Les Etats-Unis doivent finir pargénérer des exportations nettes positives, ou dégager un excédent commercial, pour payer les
intérêts sur leurs emprunts étrangers ; ceci suppose que les exportations soient supérieures aux importations de plusieurs milliards de dollars dans les domaines de l'aéronautique, des
biens alimentaires et des autres biens. »
C’est un objectif qu’il n’est pas aisé à atteindre.
Les pertes d'efficacité dues à l'imposition
« Une dette interne suppose des versements d'intérêts aux obligataires, et à cette fin des impôts doivent être
prélevés. Mais, même si l'on impose les mêmes personnes pour verser les mêmes montants qu'ils reçoivent sous forme d'intérêts, on suscite des effets de distorsion des
incitations qui sont inévitables pour toutes les sortes d'impôts. Le fait d'imposer les intérêts perçus ou les salaires de Paula pour lui verser ensuite des intérêts introduit des
distorsions économiques. Paula va peut-être travailler moins et épargner moins ; chacune de ces conséquences doit être considérée comme une distorsion d'efficacité ou de
bien-être. »
Eviction de long terme du capital
« « Le fait d'évincer le capital du stock de richesse de la nation constitue peut-être la conséquence la plus grave d'une dette publique
importante. En conséquence, le rythme de la croissance économique ralentit et le niveau de vie futur est moindre. »
Par quel mécanisme la dette influe-t-elle sur le capital ?
« Les personnes augmentent leur richesse pour plusieurs raisons telles que la retraite, l'éducation et le logement. Les personnes épargnent pour acheter
différents actifs, tels que les maisons, des actions et des obligations…
Quand la dette publique augmente, les gens sont plus détenteurs de la dette publique de que de capital privé, et la dette publique évince le stock de
capital privé de la nation. Mais en économie ouverte, le pays peut emprunter à l’étranger plutôt que de réduire son stock de capital domestique. »
En fait, il n’existe pas d’estimations précises de l’effet d’éviction à log terme. Mais l’observation des évolutions historiques, en particulier
aux Etats-Unis depuis la seconde GM, montre que le capital est partiellement évincé par la dette publique.
Dette et croissance
« Si nous considérons tous les effets de la dette publique sur l'économie, nous constatons qu'une dette publique importante peut être préjudiciable à la
croissance économique à long terme. Supposons qu'une économie doive fonctionner au cours du temps sans aucune dette. Selon les principes de la croissance économique, le stock de capital et le
produit potentiel suivent un sentier hypothétique » élevé.
« Considérez maintenant des politiques impliquant un déficit et une dette publique importants. A mesure que la dette augmente au cours du
temps, de plus en plus de capital est évincé. Comme des impôts sont prélevés pour verser les intérêts de la dette, des inefficiences diminuent encore plus la production. De même, une augmentation
de la dette externe diminue le revenu national et augmente la part de la production nationale devant être consacrée à assurer le service de la dette. Si on prend en compte tous ces
effets, la production et la consommation augmentent plus lentement qu'ils ne le feraient en l'absence de dette et de déficit publics importants. »
L'impact à long terme d'une dette publique importante sur la croissance économique est le problème essentiel qui est posé aux décideurs.
« Une dette publique importante a tendance à réduire la croissance du produit potentiel d'une nation parce qu'elle évince le
capital privé, accroît l'inefficience due à l'imposition et contraint la nation à assurer le service de la partie externe de la dette. »
Vers une nouvelle forme de discipline budgétaire ?
Selon PA SAMUELSON et WD NORDHAUS, « la macroéconomie moderne a détruit le dogme du budget équilibré. Mais ceci ne
signifie pas que l'Etat est totalement libre et peut laisser les projets favoris des législateurs avaler goulûment une part croissante de la vie nationale. Les ressources sont
limitées, si bien qu'une nouvelle discipline doit remplacer la maxime de l'équilibre budgétaire. »
En conclusion de ce chapitre, les auteurs nous proposent de réfléchir à partir d’un ensemble de remarques fondées empiriquement et proposée par
l'historien lord Macaulay.
« En achevant notre étude de la dette publique et de son impact sur la croissance économique, il nous faut prendre le temps de réfléchir aux
difficultés budgétaires rencontrées par les Etats-Unis. Ceux qui étudient l'Economie ou élaborent les politiques économiques au cours des années 1990 sont confrontés à la nécessité
d'assurer le service d'une dette externe importante et à l'éventualité d'une faible croissance économique. Mais au milieu de la tempête d'aujourd'hui, gardez à l'esprit les observations
sur la croissance et la dette de l'historien lord Macaulay, écrites il y a plus d'un siècle :
Selon l'historien lord Macaulay :
« A chaque étape de la croissance de cette dette, la nation a poussé le même cri d'angoisse et de désespoir. A chaque stade de la croissance de cette
dette, il s'est trouvé des hommes avisés pour affirmer le plus sérieusement du monde que la faillite et la ruine étaient au bout du chemin. Cependant la dette continue à augmenter ; et la
faillite et la ruine n'ont jamais été aussi éloignées...
Les prophètes de malheur se sont doublement illusionnés. Ils ont pensé à tort qu'il y a une parfaite analogie entre la situation d'un individu qui est débiteur
vis-à-vis d'un autre individu et le cas d'une société qui est endettée vis-à-vis d'une partie d'elle même... Ils n'ont tenu aucun compte de l'effet produit par le progrès incessant: de toute
science expérimentale, et par les efforts incessants de tout homme pour s'avancer dans la vie. Ils ont constaté que la dette augmentait ; et ils ont oublié que tout faisait de
même. »
Que peut nous apprendre Macaulay pour les années 1990 aux Etats-Unis et pour les pays européens comme la France
aujourd’hui ?
« Nous pouvons difficilement mettre en doute que les déficits budgétaires importants aient donné naissance à la croissance sans précédent de la dette de
temps de paix aux Etats-Unis. Comme une large part de la dette s'adresse à l'étranger pour financer un important déficit commercial, la nation est confrontée à l'augmentation des versements
d'intérêts, des fardeaux de la dette et des impôts pour assurer le service de la dette. A un certain moment, le déficit commercial devra se transformer en excédent comme nous exporterons notre
production future pour payer la consommation d'aujourd'hui. Il est possible que le passage de l'économie d'aujourd'hui, à faible épargne, à une économie à épargne élevée s'accompagne de
diminutions des niveaux de vie des consommateurs. »
« Mais il est insensé de prévoir la faillite économique. Le spectre de la faillite nationale ou de la ruine financière est
éloigné pour les Etats-Unis des années 1990. »
Le message de PA SAMUELSON et WD NORDHAUS est donc très clair dans cet ouvrage. L’augmentation de la dette publique et sa persistance à des niveaux durablement
élevés nuit à la croissance potentielle et donc à la satisfaction des besoins des générations présentes et futures. Il ne sert, pour autant, à rien d’agiter le risque de faillite de l’économie
nationale.
Il est, néanmoins, un peu trop tôt pour conclure le débat qui s’est engagé entre ceux qui déclarent la faillite potentielle de notre économie et ceux qui contestent
ce point de vue. Il convient donc de poursuivre la mise en évidence de quelques enseignements de la science économique, tant du point de vue théorique que du point de vue empirique.