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Aux femmes meurtries d’Hassi-Messaoud
Qui es-tu, toi, decette extrémité du monde invisible à mes yeux ?
Et pourtant je te vois, baignant dans le sang d’une terre meurtrie de mains d’Hommes…
D’hommes : car il n’est que mâle assurance pour porter ainsi le fer au sein de femme, au cœur d’enfant.
Je te vois; et tes larmes, amie, me submergent.
Que le viol se commette au silence complice de mes semblables ne fait que m’affliger un peu plus d’en être.
Que le mutisme demeure sur le crime, qu’ici on ne parle que de cet objet qui anime les bas ventres, arme sans égale, ferment de sombre soumission à l’abri de grilles et de moucharabiehs, voilà qui ne saurait qu’envenimer ma peine.
Je te vois, fragile et nue, émue de cette violence qui t’es faite.
Je sais mon amour impuissant à effacer la trace.
C’est ainsi qu’humanité s’enfonce : trace après trace, blessure après blessure, elle ne sait rien faire sans que le crime accompagne ses pas.
Que valent mes mots d’amour, amie, quand je te sais clouée au pilori de souffrances que t’imposent mes semblables ?
Que valent mes larmes et mes lamentations devant ton ventre béant ?
*
Mes yeux te voient, toi que je ne connais pas, que je ne connaîtrai jamais.
Nos cœurs saignent du même sang par delà les rives de ces déserts où les fous accourent, haine au visage, encouragés de discours aveugles en des temples de subversion divine.
Sans doute est-ce là le miracle d’amour : nous voici à l’unisson de cette terrible plaie imposée.
De ton ventre ouvert germera graine, amie. L’olivier poussera ses ramures. Une colombe viendra, jaillie de mon cœur encore endolori.
Elle sera bien seule au milieu des sables secs laissés par les barbares.
Nous serons les survivants, butinant le fruit d’amour…
*
Mes yeux et mon sang te voient, amie.
Mes mains se tendent dans l’aurore qui vient.
Mes bras battent l’air qui me manque.
Ta dépouille posée sur ma peau.
Ta tête roule à mon épaule nue.
Il n’est plus d’oasis pour arrêter le crime.
Nous serons les éternels exilés.
Nos pas meurtris traverseront les ruines.
*
Ai déposé, entre deux pousses de marronier, la douce larme d'une rosée printanière.
Ai bu à même la source, l'eau lustrale, ferment de vie.
Laisse en partage la peau délicate d'une aurore bienfaisante.
Le fil des saisons allègera le pas du jour.
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Manosque, 20 avril 2010
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