Question surprenante et passionnante comme vous allez pouvoir en juger par vous même d'ici quelques instants... Si vous n'avez pas fuis en courant tel le lâche internaute effrayé par quelque lignes de lecture! Mais tout d'abord commençons par définir le vieillissement ou "sénescence", il s'agit d'une diminution avec l'âge de l'aptitude phénotypique: la fameuse "fitness" des anglo-saxons, pour être clair on vieilli dès que notre survie et notre capacité à la reproduction diminuent (assez vite malheureusement). Le problème c'est que les lois de l'évolution nous disent que les individus qui ont la meilleur aptitude phénotypique (ou fitness) sont sélectionnés, de ce point de vue le vieillissement peut sembler paradoxal; Pourquoi l'évolution n'as-t-elle pas sélectionné des individus éternellement jeunes ?? Certainement pas pour faire plaisir aux vendeurs de crèmes anti-rides...
Survie de l'espère et renouvellement générationnel: Out !
La réponse intuitive qui pourrait émerger rapidement consiste à dire qu'il faut bien que certains meurent pour laisser la place aux jeunes et ainsi laisser les ressources aux individus les plus jeunes ce qui contribue au renouvellement générationnel et donc à la diversité de l'espèce et donc à << l'évolution >>. Dans cette hypothèse, il pourrait exister des gènes de la sénescence, qui causent directement le vieillissement de l'organisme. Le problème de cette hypothèse, c'est qu'il suffit qu'un individu ne possède pas ces gènes du vieillissement pour qu'il soit automatiquement sélectionné (de par sa meilleure survie et sa meilleure reproduction). Une fois de plus les concept de survie de l'espèce trop souvent admis est mis à mal. Et oui comme dans le cas du lion infanticide la sélection s'opère au niveau de l'individu et non du groupe. L'hypothèse de gènes du vieillissement est donc éliminée.
Accumulation de mutations et ombre de sélection (Medawar 1952).
Un constat simple peut nous mettre sur la voie de quelques explications logiques d'un point de vue évolutif: le vieillissement s'observe rarement dans la nature, ce phénomène ne s'observe facilement que chez les hommes, et les animaux domestiques où vivant en milieu protégé. En effet dans la nature la survie est limitée par une mortalité liée à l'environnement souvent élevée (prédation, ressources alimentaires, climat), si bien que le nombre d'individus atteignant un âge avancé est faible. On peut également considérer que ces individus se sont déjà reproduits plusieurs fois et ont transmis leurs gènes à leur descendance. Pour toutes ces raisons, la sélection naturelle est un filtre beaucoup moins efficace à un âge avancé, on parle "d'ombre de sélection". En effet si des mutations ayant un effet néfaste à un âge avancé surviennent, elles seront transmises avant que cet effet ne s'exprime. Certaines maladies génétiques comme la Chorée de Huntington sont de bonnes illustrations de cette théorie: cette maladie mortelle ne touches que les personnes entre 40 et 50ans, et son importance dans la population (3 à 7 cas pour 100000 personnes) est supérieur la proportion d'autre maladies génétiques mortelles du même type mais s'exprimant à n'importe quel âge. Les individus porteur de la mutation ont en effet largement eu le temps de se reproduire et de transmettre le gène défectueux. Bref quand la sélection ne fait pas son travail les mutations s'accumulent, et finalement "les vieux" ne sont que l'expression de gènes ratés qui ont échappé aux mailles du filet en s'exprimant sur le tard...
Pléiotropie antagoniste: les gentils deviennent les méchants (Williams, 1957).
Les théories scientifiques sont comme les logiciels, quand elles sont incomplètes, on développe des plug-ins et autres expansions... Ici il s'agit de la pléiotropie antagoniste, nom austère et difficile à placer dans une conversation courante j'en conviens. L'idée est que certains gènes peuvent avoir un effet très positifs à un âge peu avancé où la sélection pèse de tout son poids, mais retourner leur veste lorsque celle-ci s'atténue avec le temps. Prenons un exemple: soit un gène qui régule la balance hormonale et notamment la sécrétion de testostérone. L'expression d'un tel gène permet à l'individu d'avoir des concentrations constantes et élevées de testostérone, élément indispensable à une bonne reproduction, ce gène est donc sélectionné lorsque l'individu est jeune. Mais à long terme, des taux élevés de testostérone auront des effets néfastes sur le vieillissement physiologique. D'où le terme de gène à effet pléiotropique antagoniste (du grec pleio, plusieurs, et tropo, changement)... Dans ce cas, nous vieillissons donc pour mieux survivre aux moments importants.
Un corps jetable une fois sa mission accomplie: le soma jetable (Kirkwood 1977) .
Dernière idée parmi les théories évolutives du vieillissement: le "soma jetable"... On considère ici que les ressources disponibles sont utilisées selon des compromis. Et oui l'énergie disponible dans l'environnement est limitée, il faut donc la partager entre plusieurs fonctions: telles que la survie, la reproduction, où encore la maintenance de l'organisme. Prenons le cas d'une souris, à l'état naturel son espérance de vie est de 1 an et la principale cause de mortalité est l'hypothermie Toutes les ressources énergétiques sont donc de préférence allouées d'une part à la reproduction (avant l'hiver), et d'autre part à la thermogenèse. Et oui les système anti-vieillissement (réparation-maintenance) sont eux aussi couteux en énergie, mais à quoi bon investir des ressources dans ce domaine si c'est pour mourir de froid... Autrement dits les gènes de maintenance/réparation ne sont sélectionnés que lorsque les chances de survies sont importantes.
Une idée évolutionniste pour ne pas vieillir .
L'un des seuls moyens complètement avéré pour limiter le vieillissement consiste à pratiquer une restriction calorique. Autrement dit, il faut manger équilibré et sans carences mais de très petites quantités. Chez la souris on a ainsi pu allonger la durée de vie 30 à 60% ! Autre chiffre intéressant, les habitants de l'île d'Okinawa au Japon pratiquent la restriction calorique (la coutume veut en effet que l'on quitte la table avec la fin au ventre), et bien c'est sur cette île que l'on trouve le plus grand nombre de centenaires par habitants au monde (15% des centenaires du monde vivent sur cet île !!). Voilà, vous savez ce qui vous reste à faire pour ne pas vieillir, il faut tout simplement ne pas vivre !
___________________ Pour en savoir plus sur les causes physiologiques du vieillissement rendez-vous sur la page recherches, ou téléchargez directement le rapport bibliographique: Le vieillissement: Perspectives écologiques envisageables.
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