Troisième partie de mon analyse du rapport Albright, après le deuxième billet.
O. Kempf
8/ Le chapitre 4 évoque les questions politiques et organisationnelles. Il court de la p. 33 à la P. 38
81/ L’expérience afghane est présentée comme fondatrice : « on y trouve la plupart des principes qui devraient figurer dans le nouveau concept » (p. 34). En peu de mot, c’est reconnaître que la transformation de l’Alliance ne s’est pas faite à Norfolk mais à Kaboul. Il faut donc une chaîne du commandement unifiée (mais la dualité avec OEF n’est pas mentionnée), réduire les caveats, arrêter les bavures, avoir une politique légitime de traitement des prisonniers, et établir une approche civilo-militaire globale. Mais l’Otan ne peut tout faire : cela justifie d’ailleurs la modestie en ce qui concerne l’approche globale. « Les engagements de l’alliance ne devraient jamais excéder ce que l’Alliance peut faire, mais l’Alliance devrait toujours pouvoir faire ce qu’il faut pour ne pas être dépassée par ses besoins de sécurité » (p 35) : voici pour le moins une déclaration modeste et mesurée, bien loin du triomphalisme assuré qu’on a pu entendre il y a quelques années.
82/ Immédiatement après vient la réforme administrative : rationalisation du Secrétariat international, réexamen des règles financières, diminution des coûts de fonctionnement et réduction du nombre de comités et d’agences : on croirait lire le programme de RGPP proposé par les autorités françaises à l’Alliance, et qui doit être discuté lors de la prochaine ministérielle en juin ! Deux points méritent l’attention : l’éventuelle fusion du SI et de l’EMI, et la réduction du nombre d’états-majors : il ne faudrait pas oublier que la plus-value réelle de l’Otan vient de son interopérabilité fabriquée au quotidien par des militaires travaillant ensemble suivant les mêmes procédures... Méfions nous des « bonnes idées » technocratiques !
83/ Tout à fait novatrice, en revanche, est la proposition concernant les procédures décisionnelles : en clair, pour accroître l’efficacité, on passerait de la règle de l’unanimité à la règle de la majorité qualifiée, imitant en cela les procédures européennes....Bien évidemment, cela porterait sur des sujets « annexes ». De même, on déléguerait des pouvoirs aux chefs de l’Otan, sur la base de « règles d’engagement agréées » (on se reportera à mon article dans la RDN de mai, qui donne une lecture critique de la notion de ROE, outil à tout faire et fort imprécis, malgré son ambition). D’emblée, la notion de « règles d’engagement agréées » me paraît critiquable, pour des raisons pratiques avant même d’être politiques. Mais il va de soi que si cette proposition était acceptée, elle constituerait un fameux transfert de souveraineté. Je me demande comment réagiront les Français : le sujet mériterait, à mon sens, un débat au moins aussi profond que celui de Maastricht....... Or, aucun responsable ne s’est aperçu, pour l’instant, de cet enjeu « politique » qui possède, à mon sens, beaucoup plus de portée que le théâtre de postures qu’on a pu malheureusement observer à l’occasion du retour de la France dans l’Otan.
84/ Politique de la porte ouverte : le rappel de la possibilité d’élargissements ultérieurs est très plat. En clair, le rapport n’est pas très fana.... On est loin des débats d’il y a encore trois ans. Cela confirme ce qu’on a dit plus haut à propos de la Géorgie et de l’Ukraine.
85/ Maîtrise des armements conventionnels : « Il faut soutenir la relance du processus FCE » : c’est pauvre, et cela suggère l’embarras de l’alliance sur ce sujet. Car c’est une pierre de touche de la position russe. Est-ce trop interpréter que de voir dans cette platitude une ouverture faite à Moscou : négociez dans le cadre du COR (Conseil Otan-Russie) et nous serons accommodants en ce qui concerne le FCE ?
a suivre
O. Kempf