A propos de Femmes du Caire de Yousry Nasrallah 4 out of 5 stars
De nos jours, au Caire. Un couple de journalistes, Hebba et Karim, s’aime passionnément. Mais Hebba, qui anime une émission politique, s’attaque avec virulence au gouvernement et à la corruption. Ce qui a le don de mettre à cran les chefs de Karim, qui menacent sa promotion d’être effective si Hebba ne met pas de l’eau dans son vin. Hebba accepte de transformer son « talk show » politique en émission de faits divers où les femmes viennent raconter sur un plateau la misogynie et la maltraitance dont elles ont été victimes… Mais à nouveau, l’émission, très regardée, prend une connotation politique et provoque la polémique et un clash entre Karim et sa rédaction…
Inspiré de faits divers réels, comme l’a précisé Yousry Nasrallah dans une interview, Femmes du Caire est un tableau éloquent de la misogynie qui règne en Égypte. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Hommes en prennent pour leur grade. Au programme, manipulation, coups et blessures, escroquerie…
L’ambition, plus cinématographique, du réalisateur égyptien est de redorer le blason des la femme égyptienne au cinéma : « Depuis plus de 20 ans, le cinéma égyptien a marginalisé les femmes de caractère. Traditionnellement, dans nos films les femmes étaient de magnifiques étoiles, montrées comme des personnages réels, fiers de leur féminité. Maintenant, les films ont tendance à réduire les femmes à de simples épouses, mères, soeurs, fiancées, des objets de désir (…). C’est un reflet clair de la misogynie qui règne dans la société égyptienne. Une des caractéristiques les plus attrayantes du scénario de Waheed Hamed est l’inversion des rôles, les hommes ici sont les objets de désir. »
Qu’en est-il du résultat ? Femmes du Caire est un film explicite et engagé qui se place volontairement du côté des femmes et prend leur parti. Pas l’ombre d’une ambiguïté sur le contenu politique de sa charge. Sous la forme de saynètes construites en flashs back, les femmes présentes sur le plateau de Hebba racontent tour à tour le calvaire qu’elles ont eu à subir avec des hommes parfois très hauts placés (dont un ministre). C’est cette forme de dégradation humaine que le réalisateur relate sous la forme d’une fiction dans laquelle l’histoire de Hebba va rejoindre toutes celles de ces femmes battues ou humiliées.
Peu gratifiant pour les Hommes, le portrait de la société égyptienne fait ressortir une forme d’archaïsme et la pérennité d’un modèle patriarcal, où les femmes sont bonnes à faire la cuisine et à se taire. Très présente à l’écran, Mona Zaki (Hebba) fait penser à une égérie sur maquillée et un peu kitsch dans la lignée des actrices d’anciens mélodrames égyptiens.
Femmes du Caire est un film éprouvant mais très intéressant. Car rares sont les films qui osent dénoncer la condition de la femme dans une société aussi traditionnelle et sclérosée que la société égyptienne. Mais le film va aussi au delà des clivages entre religion, état et modèle de société. C’est un film à la portée plus universelle qui milite pour l’émancipation en général des femmes dans le monde et pas qu’en Egypte. Pour tout cela et pour l’élégance très colorée de sa mise en scène, la construction habile de son scénario qui fait se rejoindre l’histoire personnelle de Hebba à toutes celles de ces femmes égyptiennes, aucun doute : il faut aller voir ces Femmes du Caire !…