L'intérêt des eurodéputés pour le régime alimentaire des Européens est de plus en plus important. Le 16 mars dernier le Parlement approuvait un projet de règlement pour établir un étiquetage simplifié sur les emballages des produits alimentaires. Le 19 avril 2010, Asa Westlund déposait, au nom du groupe S&D, une proposition de résolution sur le projet de directive de la Commission modifiant des annexes de la directive 92/2/CE, concernant certains additifs alimentaires. Une décision pour protéger le consommateur ou défendre un intérêt politique ?
La protection du consommateur: un impératif moral
Mercredi dernier, les eurodéputés se sont refusés à autoriser l'utilisation de la thrombine, une enzyme d'origine bovine ou porcine, pour agglomérer différents morceaux de viande afin de lui donner l'apparence d'un seul produit carné.
Mais la proposition de la Commission consistait juste à conférer plus de transparence aux produits contenant la thrombine – d'ailleurs déjà autorisée dans certains Etats membres – par un système d'étiquetage.
Cependant les eurodéputés ont opté par imposer leur véto à l'autorisation de cette enzyme en tant qu'additif alimentaire.
Selon le Parlement, il y aurait en effet un risque concret pour la santé du consommateur : les eurodéputés redoutent que le processus de liaison des morceaux de viande, augmentant la surface de l'aliment, puisse entraîner la contamination par des bactéries dans la cadre du processus, du fait de la capacité de ces dernières à survivre et se reproduire sans oxygène.
La proposition de résolution met également l'accent sur la possibilité d'induire le consommateur en erreur, relativement au choix de son produit carné.
Nécessité ou excès de zèle ?
Mais quelles sont les raisons de ces craintes ? Est-ce que l'utilisation de la thrombine est effectivement aussi redoutable ?
Le 26 avril 2005, l'EFSA rendait, à la demande de la Commission, un avis sur les additifs alimentaires comme la thrombine. A cette époque, l'Autorité européenne de sécurité des aliments expliquait que "pendant de nombreuses années; plusieurs produits carnés additionnés de sang ou de plasma animaux (d'où la thrombine est tirée) ont été produits et consommés dans plusieurs pays sans effets indésirables notoires".
L'étude précise également que tout résidu de thrombine serait inactivé pendant la cuisson, dans un premier temps, et dans l'estomac après consommation, dans un deuxième temps.
Un excès de zèle donc de la part des députés européens ? Les déclarations de John Dalli, commissaire en charge de la Santé et des Politiques du consommateur, le feraient penser. Pour ce dernier, mettre sur le marché des viandes agglomérées signifierait permettre aux consommateurs "moins aisés" d'acheter des produit carnés, de bas de gamme certes, mais sûrement "moins chers". Cette déclaration a suscité des réactions assez virulentes dans le monde politique européen.
En particulier, l'europarlementaire vert José Bové s'est défoulé sur les pages de son blog. : "le commissaire européen Dalli vient de se faire taper sur les doigts par les députés qui se sont majoritairement opposés à ingurgiter sa cuisine industrielle peu ragoutante", a-t-il affirmé.
Et quant à la Commission, il a renchéri: "la proposition (…) [de] la Commission européenne est un scandale et montre que M. Barroso est plus sensible aux intérêts des firmes de l'agroalimentaire qu'à ceux des consommateurs"
Or, l'électorat européen peut-il se considérer satisfait du bienfait de ses élus ? Ou au contraire est-il tout même obligé d'avouer un excès de zèle dans le traitement du dossier ?
Aux spécialistes de la santé de répondre à cette question tant ardue !!!
article lu sur www.touteleurope.fr