A Sélestat (en Alsace), depuis quelques années, il y a une biennale, Sélest'art. Chaque édition est organisée autour d’un thème. Cette année, c'est la vidéo (orchestrée par Philippe Piguet). Je m'y suis rendue, il y a une quinzaine de jours, et vous livre quelques impressions.
La vidéo, c’est un médium que j’apprécie lorsqu’il incite à prendre le temps de l’arrêt, c’est-à-dire, notamment, lorsqu’il ne rompt pas de manière fastidieuse le parcours d’une exposition. A vrai dire, la vidéo exige, de la part du commissaire, un sens du rythme qu’on ne ressent (je trouve) que très rarement.
Ici, les vidéos sont installées dans différents monuments et dans quelques vitrines de la ville : elles constituent donc les haltes d’un parcours. La plupart sont de brèves séquences, quelques unes exigent un temps d’arrêt un peu plus long.
Les âges et la notoriété des artistes varient. Et si l’ensemble est intéressant, il y a quelques noms que j’ai particulièrement relevés et que j’ai envie de vous faire connaître.
Je ne vous parlerai pas par exemple d’Agnès Varda, même si le défilé des « Veuves de Noirmoutiers », sur la plage reste vivement poignant et que l’explosion de couleurs de « Ping pong, tong et camping » met réellement en joie.
Je ne vous parlerai pas non plus de la vidéo de Philippe Cognée, même si j’ai découvert à cette occasion qu’il travaillait aussi ce médium.
Ce que je voudrais évoquer avant tout, c’est :
Une vidéo de Maïder Fortuné, qui a sidéré la trentenaire que je suis.
On y voit des personnages de dessins animés et de BD empruntés surtout à Walt Disney). Ils entrent dans le champ de l’image, de dos, comme s’ils provenaient de l’espace même du spectateur, et avec une démarche flottante. Dans l’espèce de brouillard sale où ils se trouvent, on ne se rend pas bien compte s’il s’agit de dessins ou d’acteurs en chair et en os (ce qui est effectivement le cas). C’est très troublant. D’autant plus que les couleurs ont été supprimées.
Cela se passe comme si notre imaginaire lointain, cet imaginaire profondément incrusté en nous (qu’on l’ait voulu ou non, d’ailleurs) était en train de nous abandonner, se défaisant doucement de sa consistance et pénétrant lentement dans une espèce de royaume des morts, indéterminé et glacial, et où l’on ne se déplace qu’à vue.
A vrai dire, j’en suis sortie une peu traumatisée.
(Maïder Fortuné, Chimerae, 2007; Courtesy de l'artiste et galerie Martine Aboucaya)
Il y a aussi la vidéo de Claire-Lise Petitjean, installée dans le château du Haut-Koenigsberg (château surprenant, parce qu’on ne sais pas très bien si l’on se promène de une forteresse médiévale, une expression de l’imaginaire propre à l’époque de sa reconstruction, sous Guillaume II, ou encore un décor pour touristes contemporains avides de retour dans le passé).
C.-L. Petitjean y propose une installation qui se décline en 3 pièces.
Ma préférée est une vidéo où se succèdent des cadrages de portes du château (parfois seulement les serrures savamment ouvragées). Les portes sont découpées du reste, et se présentent sur un fond lumineux — une lumière blanche aveuglante, celle d’un lieu de nulle part qui se tiendrait derrière elles, et dont on voit parfois un filet, dans un interstice, ou bien qui inonde le champ de l’image). L’accompagnement sonore, très léger décalage par rapport aux images, ajoute à l’étrangeté, suggérant un déséquilibre ou une faille, qui affaiblirait ces portes épaisses aux lourdes ferronneries.
(image: Chateau #1, courtesy Claire-Lise Petitjean 2007)
Il y a quelques autres noms que je voudrais évoquer, mais ce sera pour la prochaine fois.