La mort d’une policière municipale abattue il y a dix jours dans le Val-de-Marne par des malfaiteurs a mis sur le devant de la scène médiatique la profession de policier municipal. La question de l’armement de cette force de sécurité complémentaire à la police nationale et à la gendarmerie est révélatrice d’une crise existentielle . Les six principaux syndicats de policiers municipaux invitent à manifester mardi afin de faire valoir notamment des revendications sociales. De façon paradoxale la professionnalisation du corps voulue par l’Etat est utilisée pour remettre en cause la localité qui constitue pourtant son identité.
Les divergences des propos gouvernementaux témoignent du positionnement inconfortable des policiers municipaux. Dans l’émotion de la disparition de la jeune fonctionnaire, Nicolas Sarkozy a déclaré que les policiers municipaux constituent un maillon essentiel de la chaîne de sécurité.
Quelques jours plus tard pourtant, le 28 mai, le secrétaire d’Etat chargé des collectivités locales et Jacques Pélissard, également président de l’Association des Maires de France soufflait le froid en balayant les revendications sociales et la prise en compte de la dangerosité du métier, au motif que la police municipale ne serait qu’une police du stationnement.
Autre son de cloche du côté du ministère de l’Intérieur. La semaine dernière, Brice Hortefeux s’est engagé sur la mise en place d’une réflexion portant sur la place et le rôle des polices municipales dans la société.
La décision du ministre de l’Intérieur d’autoriser la police municipale, au lendemain des obsèques de la jeune policière municipale tuée à Villiers sur Marne, à s’équiper de pistolets Taser ne saurait constituer une réponse suffisante au malaise de la profession.
Quelle est la vocation des “municipaux” ? Etre une police douce, de proximité tournée vers le citoyen ou, à l’image de la “nationale” s’inscrire comme une police légaliste, répressive, mal comprise et mal aimée ?
Elisabeth Lévy dans Causeurs pose la bonne question : “soit ils sont là pour aider les vieilles dames à traverser et mettre des PV, auquel cas ils n’ont pas à être armés du tout, soit ils font le même boulot que leurs collègues de la Police nationale et ils doivent bénéficier de la même formation et des mêmes outils”. Le bon constat également en relevant que “les voyous, eux, ne font pas la différence entre les uniformes. Municipal ou national, pour eux, un flic est un flic.”
Unitaires sur les revendications sociales, les organisations syndicales sont en revanche partagées sur la question de l’armement. Certaines réclament une loi pour que tous les policiers municipaux le soient d’autres, telle la CFDT/Interco, estiment à l’inverse que ce sont les missions qui dictent l’armement et non le contraire.
Préalablement on peut s’interroger sur l’opportunité de créer des polices municipales et donc pour les collectivités d’endosser des transferts de charge dans une période de diète des finances publiques.
Les polices municipales sont aujourd’hui constituées de quelques 18 000 agents, surtout implantés dans le midi de la France et en région parisienne. Seules 3 500 communes sur 36 783 disposent de ces forces de sécurité. Des effectifs sans commune mesure avec la Police Nationale et la Gendarmerie fortes respectivement de 150 000 et de 105 000 hommes.
Historiquement, le grand retour des policiers municipaux s’inscrit dans la suite des lois de décentralisation et la volonté de prise en compte par les édiles d’une demande de sécurité de leurs concitoyens .
Les polices municipales font l’objet de nombreuses critiques liées à son ancrage territorial. L’emprise du pouvoir politique local constitue la principalemême si elle est tempérée par les garde-fou que constituent la tutelle du Préfet et les contrôles du lrocureur et éventuellement du juge. Il n’empêche, il existe bien un risque au mieux de connivence, au pire de corruption passive, lié à une forte proportion de gens du cru parmi les agents permise par la liberté de choix d’affectation laissée aux fonctionnaires.
Les défenseurs du dogme régalien jugent pour leur part que la sécurité doit rester une affaire d’Etat.
La voie du milieu serait de considérer que la police municipale doit rester sur des tâches préventives et un travail de proximité facilitant les relations avec la population. Ce choix devrait être encouragé notamment depuis que l’Etat a abandonné la piste d’une police nationale de proximité expérimentée avec succès par la gauche en 1992.
C’est en tout cas ce que propose Jean-Jacques Urvoas , député du Finistère et secrétaire national du Parti Socialiste en charge de la sécurité : “Le discours officiel fait des polices municipales des forces complémentaires de la police nationale et de la gendarmerie. Ne serait-il pas plus opportun, conformément à leur vocation initiale, qu’elles s’emploient plutôt à miser sur leur véritable singularité, qui est leur ancrage au sein de la collectivité ? Bref, qu’elles s’appliquent à se constituer en une authentique police de terrain, en phase avec les préoccupations du public, axée sur la restauration du lien bien dégradé aujourd’hui avec nos concitoyens ?”
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