Après que l’agriculture eut connu un formidable essor, grâce à l’industrialisation via la mécanisation, à la fin du XIXème siècle, le paysan découvrait les pesticides ultra-toxiques que nous nommons à tort remèdes de grand-père. Ma licence de phyto-protection m’a permis alors de saisir les erreurs commises vulgairement pas mes concitoyens qui prétendent qu’avant c’était systématiquement mieux. Mon arrière-gand-père traitait ses cultures avec des produits
S’ils ont permis de préserver notre population de la disette et de la famine en permettant le formidable bond démographique, les inconvénients de tels produits phytosanitaires (fongicides, insecticides, herbicides…) sont manifestes. Ils déséquilibrent les écosystèmes, en les contaminant. Si en début de chaîne alimentaire, on peut parler de dilution du produit, à l’autre bout, le prédateur, lui, aura concentré les molécules incriminées. L’homme en est et ses tissus adipeux (graisses) regorgent de substances lentement létales, dont les fameuses dioxines. De plus, les insecticides sont souvent dévastateurs chez les populations d’insectes utiles.
Chez les différents organismes (les arthropodes surtout) soumis à ce genre de traitement chimique, on constate l’apparition de résistances, ce qui nous oblige à inventer rapidement de nouvelles molécules qui pareront au problème. A force de traitements, nous ne disposons plus du recul nécessaire à en mesurer l’impact, et sur la flore, et sur la faune, sans oublier l’homme. Je ne nie pas les temps importants d’homologation et de mise sur le marché (10 ans), mais je ferai remarquer que certaines molécules ne se manifestent dans leurs effets catastrophiques qu’au bout de plusieurs décennies. Le problème est seulement lié à l’irréversibilité d’un processus. C’est en 1966 que le FAO (Food and Agriculture
L’homme a un taux de reproduction trop faible pour s’adapter assez rapidement aux changements environnementaux qu’il a générés. Ce n’est pas le cas d’un insecte qui, soumis aux pressions du milieu qui change (climat, biotope et biocénose) en permanence, est capable de produire des milliers d’individus tous génétiquement différents. Cela lui confère un degré d’adaptabilité énorme, moins grand cependant que celui d’une bactérie qui double sa population toutes les 20 mn ! Bien que vulgairement considérés comme inférieurs à nous, tous deux nous survivront. Les mécanismes de la sexualité, qui dirigent l’évolution en général, ne sont pas les seules à intervenir dans les modifications génomiques responsables de mutations. Certains gènes (hox) présents chez tous les êtres vivants évolués, président aux changements brutaux (sur quelques milliers d’années seulement) qui se produisent au sein des espèces ; les virus nous transmettent des fragments d’ADN étranger, nous en arrachent quelques uns qu’ils communiquent à d’autres (ainsi, la nature fait des OGM, nous ne faisons que l’imiter), de sorte que l’évolution peut sans doute se faire par brusques sauts. Ainsi, les molécules que nous rejetons dans le milieu accélèrent l’apparition de mutants résistants à ces mêmes molécules. En général et c’est le mode le plus efficace, les gènes de résistances codent pour des complexes enzymatiques dégradant rapidement les pesticides à l’intérieur de l’organisme (enzymes de détoxication). Le second mode -très étudié actuellement- passe par la modification des récepteurs aux molécules phyto-protectrices, impliqués dans la transmission des influx nerveux.
METHODES DE LUTTE BIOLOGIQUE
INTRODUCTION D’ENNEMIS NATURELS
C’est le meilleur moyen pour accroître le taux de mortalité du ravageur. Parfois, l’introduction d’un seul ennemi suffit à réduire de 80 à 90 % le nombre de ravageurs, mais il faut, le plus souvent, en placer plusieurs (quand on les connaît) dans le milieu si l’on veut généraliser le succès.
Utilisation de prédateurs naturels :
J’ai cité l’exemple de l’usage des larves de coccinelles pour lutter contre les pucerons. Chez nous, c’est la coccinelle rodolia cardinalis qui est utilisée. D’autres auxiliaires, le plus souvent des insectes entomophages, sont intéressants :
- Contre les dendroctones, petits coléoptères ennemis efficaces des pins, des épicéas et de bien d’autres végétaux, nous utilisons avec succès un autre minuscule coléoptère (Rhizophagus grandis) que nous élevons en batterie et que nous lâchons dans la nature ; celui-ci repère le dendroctone à son odeur caractéristique, le localise et le détruit.
La lutte intégrée extensive :
Cette technique consiste à renforcer un maillon déjà existant dans le paysage (grande unité géographique)
- Les fourmis rousses (dont formica rufa, mais il s’agit de plusieurs espèces en réalité) sont utilisées un peu partout (au Canada, contre la mouche à scie ; dans les Appenins, en Italie…). Une simple colonie de fourmis rousses (environ 100000 individus) nous débarrasse de 2000 à 10000 insectes par jour, dont 50 % de “ "nuisibles” ".
En Malaisie, ce sont les chouettes hulottes que l’on bichonne afin qu’elles débarrassent les palmeraies des rats envahissants et dévastateurs. Un nid par hulotte et sa nichée, pour 10 hectares, suffit à faire disparaître 1200 rats par an. Des postes d’observation ont été posés un peu partout pour que le rapace puisse oeuvrer plus aisément.
Usage de parasitoïdes :
- Bactrocera oleae, c’est la mouche de l’olive ; elle pond ses oeufs à l’intérieur du fruit, puis ses larves le détruisent ou le déprécient, suffisamment pour que l’INRA intervienne ; la très sainte INRA, a depuis de nombreuses années encouragé à utiliser un parasitoïde de cette mouche ravageuse, encore un hyménoptère : Opius concolor, c’est son nom, pond ses oeufs dans les larves de la mouche, qui, du coup, n’ont pas le temps d’abîmer l’olive.
Utilisation de nématodes parasites :
Un nématode est un ver rond (opposé à ver plat) microscopique et non annelé. Les différentes espèces de nématodes occupent des niches écologiques variées mais on les trouve en grande partie dans le sol et à l’intérieur des végétaux ou des animaux. Certains d’entre-eux sont parasites de champignons pathogènes (pourridié des arbres) -l’inverse ayant lieu aussi. Mais ce sont les arthropodes (insectes,
Utilisation de micro organismes :
Par cette technique, la lutte contre les ravageurs de cultures s’apparente à une guerre bactériologique, élargie à l’usage de n’importe quel micro organisme (bactéries, virus, champignons et protozoaires pathogènes aux insectes = entomopathogènes), pourvu qu’il soit efficace et sans danger pour l’environnement.
- Nous connaissons une bonne quinzaine de familles de virus entomopathogènes mais seul deux familles, les Baculoviridae et les Tetraviridae, n’infectent que des arthropodes. Les autres sont dangereux pour les mammifères ou d’autres embranchements et ne peuvent être utilisés sans risques irréversibles (virus de Sanarelli, vecteur de la myxomatose du lapin).
UTILISATION DE SOUCHES HYPOVIRULENTES DE CHAMPIGNONS PATHOGENES
On essaie de mettre en concurrence le champignon pathogène et sa souche moins pathogène pour le végétal. Endothia parasitica est un champignon microscopique responsable de la maladie du chancre du châtaignier, tumeur à évolution rapide entraînant un dessèchement, puis la mort de l’arbre. Lorsque l’arbre infesté arrive à stopper sa maladie, par ses défenses propres, il ne reste qu’un souche du même champignon, mais qui a perdu de son pouvoir malfaisant. Quand on met en présence les deux souches, l’hypovirulente communique à la virulente ses propriétés de non pathogène. Ainsi, le chancre cicatrisera facilement et l’on aura sauvé des forêts entières de châtaigniers.
S’ATTAQUER AU COEFFICIENT DE NATALITE DES RAVAGEURS
Il s’agit de gêner, d’empêcher, de limiter, d’inhiber le développement ou la reproduction d’un pathogène. On essaie de toucher au plus près des cycles de reproduction et de développement des espèces indésirables.
Lutte autocide :
Utilisation d’attractifs sexuels :
C’est une méthode sournoise pour les insectes nuisibles“ "mais on n’est plus à ça près… Les chimistes mettent au point des molécules dites mimétiques, car elles imitent les bouquets phéromonaux des insectes. Ensembles d’hormones sexuelles ou d’agrégation (mâles ou femelles) qu’on disperse (pièges attractifs) dans les vergers ou les forêts (contre les mouches méditerranéennes des
Utilisation d’autres hormones (ou phéromones) :
Ces hormones de synthèse et autres chimio-stérilisants perturbent le développement des insectes ravageurs. Ces nouvelles matières actives dérèglent les phases de la mue et, en l’empêchant, l’insecte étouffe dans sa carapace devenue trop petite, ou bien perdant sa protection qui n’est plus remplacée, il meurt rapidement -les polymérases nécessaires à la formation des chaînes de chitine sont inhibées ; d’autres de ces molécules empêchent tout simplement l’acquisition des aptitudes sexuelles (maturation bloquée).
OGM :
Pourtant, depuis l’obtention de résultats plus que prometteurs en ce qui concerne la biosynthèse d’insuline et de somatostatine (1977), l’espérance est grande, en ce siècle commençant, où l’on attend un bond thérapeutique fabuleux pour liquider quasiment toutes les maladies génétiques de ce monde. Ici , le soin par thérapie alimentaire vaudrait guérison. Les profanes ont du mal à croire (il ne s’agit pourtant pas de croyance !) qu’on pourrait nourrir les affamés avec des plantes o-gé-èmisées, c’est pourtant vrai ; les prototypes de plantes supportant les sols asphyxiants, ou les terres salées (shorres), ou encore les températures extrêmes, ont du mal à voir le jour. Parce qu’une et d’autres firmes ne pensent que profit, on risque de différer l’avancée des connaissances par des actes saccageurs, en aveugle, pas terroristes stricto sensu mais assassins tout de même. Les malades n’ont pas une voix qui porte assez loin, meurent jeunes et les oreilles des hommes se sont bouchées. Il est plus facile de détruire qu’entreprendre et, comme rabachait mon affreux directeur de lycée, la critique est facile, l’art est difficile.
La technique, qui est la même dans la lutte contre les ravageurs de végétaux de culture, est pourtant enfantine : on pique le gène intéressant dans l’ADN d’un organisme donné et on le place dans le génome du noyau d’un autre organisme que l’on met en culture (plante en l’occurrence). Les outils du généticien sont des enzymes tout à fait ordinaires ; elles coupent, répliquent, réparent, raccomodent… nos gènes qui s’abîment avec le temps. La plante dispose ainsi des toxines de son donneur, pour se défendre aisément contre le ravageur qui y est sensible. Exemple : je mets le gène actif du Bacillus thuringiensis dans l’ADN d’une tomate. Ses descendantes, porteuses du ou des gènes toxiques ou répulsifs pour les insectes, pas pour la tomate ni pour les mammifères qui la consommerait, se protègent par elles-mêmes. Nous mangeons de l’ADN (nous en respirons) en provenance de toutes sortes de bébêtes (virus, bactéries, champignons microscopiques ou non, protozoaires, végétaux et animaux…), c’est naturel ; nous ne faisons qu’apprendre les lois de la nature afin d’essayer de l’imiter ou de faire mieux. Si un doute persiste et non des moindres, c’est celui de la dissémination d’organismes, pas tout à fait normaux quand même, dans la nature, et de leur transmission à des plantes génétiquement proches. C’est pourquoi, il est nécessaire de laisser les chercheurs chercher. Cessons de croire aux docteurs Folamour, il n’y en a pas autant qu’on le dit mais… seuls les scientifiques à l’âme corrompue doivent être dans notre viseur, on les retrouve dans les grands groupes privés, à coteries et lobbies, autant infernaux qu’inconscients, lesquels ne sont plus en mesure de prendre les nécessaires distances éthiques et de nous garantir un progrès non totalitaire.
Sélection des souches résistantes :
Le platane est atteint du chancre coloré, maladie incurable qui lui est communiquée par un champignon, Ceratocystis fimbriata platanii. Il faut effectuer des croisements subtils entre variétés différentes, mais ce n’est plus le platane méridional des origines. L’orme souffre d’une graphiose, non moins mortelle, et transmise par le petit cousin du premier coupable, Ceratocystis fimbriata ulmi. Si contre la maladie dont est affectée le platane on ne peut pas faire grande merveille, à part supprimer et brûler des dizaines d’arbres ou bien tenter la solution désinfectante, les Hollandais ont trouvé la parade pour limiter l’extension de la graphiose de l’orme, chez eux. Ils sélectionnent les arbres qui passent les dix ans d’âge car, en général, c’est qu’ils ont supporté la mycose létale d’habitude. Vieille méthode ceci dit.
SUBSTANCES PHYTOSANITAIRES, BIOPESTICIDES ET LUTTE INTEGREE
La lutte biologique reste encore marginale mais elle avance pas à pas. L’industrie vient de saisir la balle au bond, elle sait qu’elle y gagnera beaucoup, pourra abandonner progressivement le chimique à tout va pour une chimie moins agressive et plus respectueuse des équilibres bio-géo-chimiques des écosystèmes. En associant des techniques et des modesculturaux adaptés, brûlage des parties
Pour le moment, Bacillus thuringiensis tient le haut du pavé avec 90 % de parts du marché ; viennent ensuite les trichogrammes (minuscules hyménoptères parasitoïdes) auxquels on peu ajouter Encarsia formosa contre la mouche blanche. Les lâchers se font en avion, tous les 10 jours suivant les conseils dispensés par l’organisme de la Protection des Végétaux (SRPV), ou bien au sol où on les dissémine dans les champs cultivés ou dans les serres, sous forme d’oeufs de papillons parasités par le trichogramme et prêts à éclore de l’auxiliaire.
* En 1996 : 7000 substances chimiques pesticides, 50000 t de fongicides, 16500 t d’insecticides, 33000 t d’herbicides. Sans oublier les nématicides, les corvicides, les acaricides, les rodenticides, les molluscicides, les taupicides… quel génocide ! Tous à vos dicos.