Ce pourrait être une fable. L’histoire d’un jeune paumé qui trouve encore plus paumé et qui l’apprendra à la dure, celle qui marque pour toujours. Le sang coule dès les premières minutes, pour que le spectateur sache vite qu’il n’est pas là pour rigoler. Du fond de son squat miteux, la seule lueur d’espoir qu’apercevra Bobbie sera comme la flamme où le papillon vole se brûler les ailes. Il y perdra tout, et surtout ce qu’il a de plus cher…
La relation qui unit Bobbie et sa copine Rosie à Mel le truand et sa compagne Syd la junkie prend vite l’allure d’une petite famille. Mais une famille où les parents sont déjà perdus, pervertis par bien trop de haine et de violence pour refuser de partir sans en entraîner d’autres avec eux, même s’ils ne se l’avouent pas encore : Mel y endosse le rôle d’un père qui ne lui était pas destiné, en promettant un paradis qui prend vite l’allure d’un enfer…
Si au tout début les jeunes sont encore assez innocents pour pouvoir s’en sortir sans trop de casse, les appels du fric facile et de la belle vie sont trop forts. Il faut bien bouffer, et c’est dur de bosser quand on est défoncé toute la journée. Mais le job que propose Mel n’a rien de simple non plus en fin de compte : il force à nager en eaux troubles, là où les requins se dévoilent au dernier moment – quand il est trop tard pour ne pas faire parler les douilles.
Spirale descendante. Pour se refaire, on accepte un coup plus gros, donc plus risqué. La tension monte. Le fils se rebelle contre le père, ça devait bien arriver. C’est juste un autre jour dans ce Paradis qu’a promis Mel : on croque la pomme et les yeux s’ouvrent. L’école du crime est une autre école de la vie, sauf que la moindre erreur s’y paye dans le sang.
Ce pourrait être une fable. C’en est une, éternelle. Celle de gamins qui tournent mal parce qu’on leur a tendu les mauvaises mains. C’est pas vraiment leur faute. Mais l’addition sera quand même pour eux. C’est pas juste mais c’est normal : c’est la vie…
Récompense :
Grand Prix du Festival du Film Policier de Cognac en 1999.
Note :
Ce film est tiré du roman Chinese Rookie d’Eddie Little (Gallimard).
Another Day in Paradise, Larry Clark, 1998
MEP, 2010
97 minutes, env. 7 €