La chasse au dahu

Publié le 01 juin 2010 par Jlhuss

Arnaud Montebourg introduit son rapport sur la rénovation du PS, qu’il vient de faire paraître,  par une phrase de Cassandre bien dans l’air du temps :

«Les écarts considérables entre les discours produits par les partis politiques et la vie quotidienne des citoyens confrontés à une société qui se délite ont mis en question la forme partisane elle-même, comme machine à désespérer le citoyen et à faire perdre à celui-ci toute forme de croyance dans l’action politique»

Trois grandes innovations y figurent : Le non-cumul effectif et strict des mandats, l’organisation de « primaires ouvertes » et un fonctionnement interne rénové du parti.

Les conditions des succès de demain sont ainsi pour lui réunies « Le Parti socialiste demeure l’organisation politique la plus ancienne en France parce qu’elle a su régulièrement et périodiquement se transformer et se rénover. Fort de ses
traditions et de son histoire, c’est quand il a su les reconvertir pour répondre aux
changements de la société qu’il a obtenu la confiance de celle-ci. »
poursuit-il.
La dernière mutation remontant effectivement au congrès d’Épinay faisant pièce à la vieille SFIO de Guy Mollet pour donner place au parti du programme commun avec les communistes qui amènera François Mitterrand au pouvoir.
Pour l’auteur, les primaires ouvertes, s’élèvent au rang d’un « droit nouveau, supplémentaire, du citoyen »

Elles sont présentées comme l’atout maître de cette rénovation ; elles permettraient en effet, outre d’assoir le choix du candidat de gauche sur une base très large, de réaliser une véritable mobilisation initiale, un mouvement d’opinion. Et de citer des pays ou la pratique est de règle : (États-Unis, Italie, Chili, Grèce)
Le rapport est très clair quant à la philosophie, moins quant à la mise en œuvre.
Il est possible que le PS s’y résolve mais les évolutions de situation et les interventions récentes des « vedettes » du parti ne semblent pas aller dans ce sens. On peut même se demander si Montebourg n’est pas une fois de plus à côté de la plaque et ne court pas un lièvre déjà mort.
« La campagne (des primaires) doit permettre aux électeurs de tout connaître des candidats : leur personnalité, leur programme, leurs équipes. Les votes doivent permettre de les départager et de dégager un vainqueur déclaré comme tel dès que ce dernier obtient la majorité absolue des suffrages exprimés. Les Primaires sont conçues comme un processus de rassemblement qui se conclura par un moment solennel de mise en relief de l’unité entre les candidats, les vaincus soutenant publiquement le vainqueur, et ce dernier tendant la main aux compétiteurs battus. »

Idyllique !

Oui, mais : DSK peut difficilement s’accommoder d’une telle discipline qui suppose son abandon prématuré du FMI pour un avenir incertain au sein d’une gauche « restreinte »; Martine Aubry tient le manche et la première secrétaire a vocation historique à représenter le parti dans une élection Nationale; quant à Ségolène Royal, prête au sacrifice, elle fait habilement remarquer que sa « légitimité », en provenance de la dernière élection, repose sur les jeunes et tout un peuple, des vrais gens pas obligatoirement passionnés par les scrutins de sélection. On dira : il y a tous les autres … Hollande, Valls, Moscovici, et encore les autres … Buffet, Europe écologie, Besancenot … Effectivement ça fait du monde à départager et l’échec probable de la méthode n’est-il pas là ? Plus les ambitions sont nombreuses, plus les primaires s’éloignent.

Il est d’ailleurs légitime de penser que les citoyens seront beaucoup plus attentifs aux idées défendues, aux propositions clairement énoncées, aux capacités discernées et aux chances de l’emporter qu’au processus de désignation. Il est enfin à nouveau décisif de noter, que cette “mobilisation” escomptée, ce “rassemblement avant l’heure”, ne sera effectivement possible que si toutes les formations de gauche se rallient à la méthode; c’est loin d’être joué !

Enfin, l’exemple italien n’est pas très encourageant. Romano Prodi mis sur le pavois par plus de 5 millions de participants lors de telles primaires, n’évita pas le retour rapide et durable de Berlusconi ?

Une fois de plus Montebourg est sans doute à “la chasse au Dahu

[le document ]