Pour que cet accord soit adopté il n'y a que deux scénarios possibles :
- ou le Parti socialiste suisse, PSS, l'adopte avec le Parti-libéral-radical, PLR, et le Parti démocrate-chrétien, PDC.
- ou l'Union démocratique du centre, l'UDC, l'adopte avec les deux précédents.
Pour adopter l'accord le PSS émet deux conditions ici :
- "des prescriptions plus strictes relatives aux capitaux propres, à la surveillance et à l'organisation des établissements bancaires présentant un risque systémique" [UBS et Crédit Suisse]
- "une taxe de l'ordre de 8,5% sur les rémunérations et bonus supérieurs à un million de francs dans des établissements présentant un risque systémique" [UBS et Crédit Suisse]
Pour adopter l'accord, l'UDC, qui y était farouchement opposé, est prête à changer d'avis à la condition que les bonus ne soient pas taxés : "une taxe sur les bonus constituerait un impôt supplémentaire sur les entreprises et serait dommageable à l'économie" ici.
Pour que cet accord soit rejeté il suffirait que le PSS et l'UDC, n'ayant obtenu satisfaction ni l'un ni l'autre, forment une majorité de circonstance pour ce faire.
Si l'accord est accepté sans que les deux conditions qu'il a posées ne soient remplies, le PSS s'y opposera en réunissant les signatures nécessaires à un référendum facultatif. A ce stade il est intéressant de constater que l'UDC a dit dès le début ici que l'accord UBS devait être adopté par référendum facultatif, que c'était une question de principe, que l'on soit favorable ou non à l'accord.
Avant d'expliquer pourquoi Blocher [sa photo ci-dessus provient d'ici] me semble rusé comme Ulysse, je tiens à préciser que taxer les bonus ne sert à rien sinon à se priver des meilleurs, et à charger inutilement les entreprises, et que je fais miens les propos sur l'accord UBS de l'avocat genevois Michel Halpérin dans Le Temps d'aujourd'hui ici :
"En ratifiant le traité [l'accord UBS], la Suisse dévoilerait un visage jusqu'ici inconnu : non celui de la peur et des accommodements qu'elle suggère, mais celui de la lâcheté et des trahisons qu'elle entraîne. Elle satisferait ce faisant les appétits de certains gouvernements, mais elle décevrait profondément les peuples du monde qui voient dans la Confédération un exemple de démocratie et une source d'espoir.
Moralement, notre pays ne se remettrait pas d'une telle humiliation. Economiquement, ce dont il aurait voulu se protéger l'accablerait bientôt; qui pourrait encore se fier au monde des affaires en Suisse, sur quelque point que ce soit, si, sur une question de principe d'une telle envergure, elle avait accepté d'être déshonorée ?
Difficile dilemme pour les Chambres fédérales ? Peut-être pas tant que cela. Il suffit de préférer les principes et le long terme et de tourner le dos à la crainte et à l'intérêt immédiat. C'est précisément cela que la Suisse savait faire jusqu'ici et qui lui avait valu sa flatteuse réputation et son honneur national".
J'en reviens à Christoph Blocher. Comme tout le monde je me suis interrogé sur sa volte-face et sur celle de l'UDC, qu'il a réussi à convaincre. Hostile à l'accord, il lui devient tout d'un coup favorable. Curieux, non ? J'en suis venu à la conclusion que le leader historique de l'UDC était rusé comme Ulysse. En effet je ne serais pas autrement surpris que dans le fond il n'ait pas changé d'avis.
Blocher s'est rendu compte qu'il était plus facile de faire accepter la non taxation des bonus par le Parlement que par le peuple et qu'il était plus facile de faire rejeter l'accord UBS par le peuple que par le Parlement. En favorisant le vote de l'accord UBS par le Parlement, il empêche que les bonus ne soient taxés. Ce faisant il pousse le PSS au référendum facultatif que les troupes UDC s'empressent de soutenir. Résultat : l'accord UBS est finalement rejeté et les bonus ne sont pas taxés... Ce qu'il fallait obtenir.
Francis Richard
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