Interview de Laurence Juin, professeur

Publié le 31 mai 2010 par Julienpouget

Professeur de lettres-histoire-géographie en lycée professionnel, Laurence Juin est aussi connu sur Twitter sous le nom de @frompennylane.

Nous avions déjà eu l’occasion de nous faire l’écho ici de son expérience passionnante consistant à utiliser Twitter en classe.

Laurence Juin a accepté de nous confier sa vision plus globale sur les jeunes, leur rapport à l’école, leur modèle d’apprentissage et beaucoup d’autres choses encore.

_________________________________________________________________

  • Les élèves auxquels vous faites cours aujourd’hui ont-ils changé par rapport à ceux qui fréquentaient l’école il y a 10-15 ans ? Si oui en quoi ?

C’est ma dixième année dans l’enseignement. Je perçois surtout cette année des changements: les élèves sont plus jeunes (ils ne redoublent presque plus au collège), moins matures, très auto-centrés sur eux mêmes à l’image de la Société. Mais ils ont aussi une ouverture sur le Monde beaucoup plus importante. Ils ont accès et usent d’ informations, d ’espaces et des technologies innombrables.

  • De nombreux enseignants jugent les jeunes (élèves) d’aujourd’hui moins impliqués et plus « consommateurs ». Partagez-vous ce constat ? Comment l’expliquez-vous ?

Ils sont effectivement très consommateurs. C’est un constat mais, selon moi, pas une fatalité. Comment ne pas être consommateur avec tout ce qui leur est offert? L’élève/l’adolescent n’est que le témoin de la Société qui change. Dans les années 60, on diabolisait l’adolescent qui découvrait le Rock n’ roll, aujourd’hui on le diabolise parce qu’il consomme du web. C’est à la Société, à l’école, à la famille de ne pas poser en victime face à cette tranche d’âge. Si on lui donne accès à des outils, qu’on se donne les moyens de l’éduquer à bien s’en servir.

  • Quelle vision vos élèves portent-ils sur l’entreprise ?

J’enseigne en lycée professionnel, mes élèves ont des périodes de stage longues en entreprise. Ils sont à la fois très attirés par cet environnement où ils sont actifs, plus acteurs que consommateurs mais aussi réticents à y entrer réellement: nombre d’entre eux ne souhaitent pas encore travailler après leur bac pro. L’entreprise c’est se responsabiliser, devenir vraiment adulte et ils aiment le confort financier et rassurant de leur vie d’élève/étudiant.

L’entreprise les effraie aussi : ils n’entendent que les mot « crise », instabilité, précarité, chômage. Entrer dans ce monde n’est pas rassurant. Ils cherchent des contrats d’alternance pour le BTS mais ne trouvent pas de patron. Leur première vraie expérience de recherche de travail est très négative.

  • Quelle est selon-vous l’influence d’Internet et des TIC sur la façon dont les jeunes apprennent ?

La pratique des TIC et l’usage d’internet est, selon moi, encore très restreinte dans l’enseignement: ponctuelle et ciblée sur quelques matières. (recherches sur internet, productions d’écrit etc.) Les enseignants qui les utilisent vraiment sont encore trop peu nombreux pour qu’on puisse parler d’influence sur les apprentissages des jeunes. Les jeunes aujourd’hui sont très calés en usage de l’informatique et de l’internet mais ne sont pas encore réellement éduqués à en faire un usage qui leur servira dans leurs apprentissages.

  • Les formats de cours doivent-ils évoluer selon vous ? Si oui dans quelles voies ?

Il me semble évident que nous ne pouvons et pourrons plus faire cours comme il y a 10, 20, 30 ou 40 ans. Les nouvelles technologies, l’ouverture au monde, la mobilité, l’interactivité permettent d’enseigner différemment: mais il y a toujours l’enseignant qui dispense des savoirs et des compétences à l’élève. L’essence même de l’enseignement ne change pas, ce sont les outils qui évoluent et l’enseignant qui doit les prendre en compte.

  • Vous vous être fait connaitre pour avoir expérimenté Twitter dans vos cours ? Êtes-vous satisfaite des résultats ? Quels retours avez-vous eu de la part des élèves/de autres enseignants ?

Ma pratique n’avait aucune ambition, c’était effectivement expérimental. Nous avons développé, avec mes élèves, des usages et des pratiques en nous appuyant sur un réseau social du net : nous l’avons adapté aux temps de classe et hors classe et ça a été positif à bien des niveaux: implication de l’élève, motivation, interactivité forte, mutualisation des savoirs et des compétences etc. Twitter a été un facteur identitaire fort pour le groupe classe et les enseignants de l’équipe pédagogique qui s’y sont associés.

Note : pour en savoir plus sur son expérience, je vous recommande la lecture de son blog