Selon l'imagerie du progressiste de base – celui qui se croit informé parce qu'il lit les journaux et regarde la télévision, qui pense qu'il possède une attitude critique, qui ne se laisse pas abuser par « ce que l'on veut nous imposer » et qui, en définitive, pense comme l'écrasante majorité –, le pauvre aux États-Unis serait un misérable hère végétant, sans appui aucun, dans une misérable situation.
Mais, dans les faits, qu'est-ce donc être pauvre aux États-Unis ? En se fondant sur diverses statistiques publiques, Robert Rector nous rappellait en 2007, dans un article publié par The Heritage Foundation, que parmi ceux que l'on désigne officiellement « pauvres » dans ce pays (personnes ayant un revenu inférieur de moitié au revenu médian), 43% possèdaient leur propre maison, 80% l'air conditionné, près des trois quarts au moins une voiture, et 31% deux ou plus, 97% un téléviseur couleur et plus de la moitié deux ou plus, 78% un lecteur vidéo ou DVD, 89% un four à micro-ondes, plus de 50% un équipement stéréo, plus d'un tiers un lave-vaisselle et 62% étaient connectés au câble de télédistribution ou avaient une antenne parabolique. Le « pauvre » des États-Unis moyen dispose également de plus d'espace – 134 m² – pour vivre qu'une famille normale de Paris, Londres, Vienne, Athènes ou d'autres villes européennes (120 m² en moyenne en Europe) : seuls 4% des foyers pauvres américains sont surpeuplés et plus des deux tiers offrent plus de deux pièces par personne.
Il est évident que cette image ne concorde pas avec celle que nous avons en tête lorsque nous utilisons le mot pauvre. Une enquête réalisée auprès le la population des États-Unis révélait, en 2002, qu'interrogés sur ce qu'ils considéraient « pauvre », les réponses des gens se référaient à vivre sans toit, à avoir faim et à l'absence de satisfaction des nécessités basiques de la vie. Il semble que vivre dans une maison plus spacieuse que celle d'un Parisien ou d'un Berlinois, avoir une voiture, un téléviseur et un DVD n'est pas ce qu'il leur vient à l'esprit, malgré le fait que la majorité des « pauvres » de ce pays correspondent à cette description.
Si nous descendons dans l'échelle et nous fixons sur ceux qui possèdent moins, seuls 4,3% des maisons des pauvres officiels sont insuffisamment grandes (plus d'une personne par pièce). Les auteurs de l'article notent qu'il y a très peu ou aucune trace de malnutrition aux États-Unis induite par la pauvreté : 89% estiment avoir assez à manger, contre 2% qui déclarent avoir souvent faim. La faim est définie comme le malaise ou la sensation douloureuse causée par la manque d'aliment. Or, aux États-Unis, le problème sanitaire relié à la nourriture parmi les pauvres n'est pas le manque d'aliments, mais bien la surconsommation d'aliments.
Ceci ne veut pas dire qu'il n'existe aucune misère aux États-Unis ni que nombre de personnes ne connaissent pas de sérieux problèmes d'ordre divers depuis le fait de vivre trop nombreux dans un espace restreint jusqu'à connaître de manière intermittente des difficultés pour s'alimenter ou se soigner. Mais c'est bien un conte à dormir debout que celui qui veut nous faire accroire qu'une masse innombrable de pauvres errent dans les rues de ce pays. Un autre conte est que cette situation supposée insoutenable proviendrait de l'absence d'« État providence ». En premier lieu, il existe bien aux États-Unis un « État providence », et même antérieur à la majorité des pays européens. En second lieu, tandis que le travail et le mariage sont des escales stables contre la pauvreté, le système de sécurité sociale est perversement hostile aux deux. Les principaux programmes, comme les bons de nourriture, le logement public et Medicaid (système de santé publique pour les pauvres), rémunèrent l'inactivité et pénalisent le mariage. Si les programmes sociaux étaient plutôt employé à favoriser le travail et le mariage, la permanence dans la pauvreté chuterait rapidement.