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Dette française : entre le soufre et la magouille

Publié le 31 mai 2010 par H16

Quand tout le monde parle d’une nouvelle, ce n’est plus vraiment une nouvelle, ça devient une banalité. Cependant, je ne pensais pas que la notation de la France, ce fameux triple-A dont j’ai régulièrement parlé (ici, par exemple) deviendrait un sujet mondain coincé entre les considérations météo, la disparition des baleines et les dernières frasques de Johnny. Et pourtant, ce matin, tout le monde en parle…

Il faut dire qu’on aura tout fait pour qu’il en soit ainsi.

Tout d’abord, un ministre qui s’exprime un dimanche, ce n’est pas fréquent, mais c’est toujours annonciateur d’un lundi rempli des fines analyses journalistiques des petites phrases qu’il ou elle aura bien voulu lâcher sur tel ou tel plateau de télévision.

Ce dimanche, c’est Baroin qui s’y est collé. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il s’agit du ministre en charge du Budget de la France. Oui, la France a un budget et un ministre tout entier pour s’y consacrer. C’est fou, quand on y pense…

Bref.

Probablement sous l’emprise d’un café un peu trop fort ou trop arrosé, notre aimable légume gouvernemental a donc déclaré que, je cite :

« L’objectif du maintien de la note AAA est un objectif qui est tendu et qui est un objectif qui conditionne pour partie, en effet, les politiques d’économie que l’on souhaite avoir.« 

Dans le monde normal des gens qui ne font ni dans la langue de bois, ni dans le bisounoursisme de combat, un objectif tendu est un objectif difficile à atteindre, une performance pour laquelle il faudra travailler dur. Tout le monde l’avait d’ailleurs compris comme cela.

Et c’est précisément parce que tout le monde l’avait compris logiquement comme cela, que l’entourage du ministre s’est empressé de préciser ce qu’il voulait dire pour que tout le monde comprenne bien, donc de travers, ce dont il s’agissait vraiment. Un peu à la façon d’un « Oui mais non en fait j’avais bu », on découvre quelques heures plus tard ce que François voulait vraiment dire, une fois sobre :

« Il n’y a pas de risque de dégradation de la signature française et la période actuelle nous montre d’ailleurs que la signature française comme la signature allemande sont des signatures refuges« 

Voilà voilà, vous voyez qu’il n’est pas nécessaire de s’affoler. Rendormez-vous, tout va bien : nous avons un budget, eh oui, un ministre pour s’y consacrer, eh oui aussi, et il n’y a pas de risque de dégradation de la note française parce que c’est la meilleure et que notre dette, tout le monde en veut par brouettées entières.

Le message est, si l’on y réfléchit assez calmement pendant plus de trois secondes, un tantinet ambigu. D’un côté, nous avons un objectif tendu, mais de l’autre, il n’y a pas de risque et la dette française est une valeur refuge…

Moui.

On a vu plus convaincant.

Mitosyl Opération Spéciale Contribuables Français

D’un autre côté, on se pose furieusement la question de savoir si la manœuvre est instillée par la peur parce que ça sent le souffre ou par la manigance et la magouille parce qu’elle permet d’appuyer certaines réformes qui sont à venir …

La vérité se trouve sans doute au milieu. Le mini-ministre (à côté de notre dette, on n’a qu’un mini-budget, donc un mini-ministre, hein) doit les connaître précisément, lui, les vrais chiffres et les vraies perspectives de la France. Et on comprend que, le dimanche, lorsqu’il s’agit, au saut du lit, de répondre à des journalistes qui vous enquiquinent sur la dette et ces notions complexes avec des chiffres écrits tout petit et des signes négatifs partout partout ouille ma tête, on se mélange les pinceaux et, paf, on sort une boulette de vérité sans l’enrober de xyloglottisme.

Il est en effet évident que la notation de la France ne tient, pour le moment, que grâce aux probables et effrénés jeux en coulisses, pressions politico-économiques sur les agences (l’actionnariat de Fitch est en partie français), et bidouilles invraisemblables pour camoufler un état des finances catastrophique.

Je dis catastrophique, mais c’est simplement pour éviter de reprendre les termes de Bayrou qui lui, parle de situation apocalyptique et qui est donc probablement le seul « responsable » politique a mettre les pieds dans le plat, et ce avec constance depuis quelques années.

Et il semble aussi évident que laisser fuiter de telles appréhensions de la part d’un membre du gouvernement ne peut pas être totalement mis sur le compte d’une biture carabinée ou d’un abandon momentané de toute retenue : tous savent fort bien que la catastrophe, le défaut de paiement, la faillite, la mort du petit cheval, la mrd quoi, se rapproche tous les jours et tous savent bien qu’il faudra en passer par des mesures pour lesquelles le mot « impopulaire » est terriblement optimiste.

Bien évidemment, comme tout le gouvernement ne dispose que d’une paire de couilles, et encore, en time-sharing, et que ce n’est pas la semaine qu’ils ont louée, ce n’est pas encore cette fois-ci que nous verrons se pointer ces fameuses mesures ou ces nécessaires « révélations » qui permettront à certains rigolos de la France d’En-Haut d’écarquiller les yeux et de se réveiller d’un sommeil qui dure depuis plus de trente ans.

En attendant, et bien que l’odeur du soufre continue de se répandre de façon toujours plus prégnante, les magouilles continuent à un rythme soutenu.

A tel point que les Allemands, bonnes pommes jusqu’alors, commencent à s’agacer. Ayant déjà dû poser un mouchoir pudique sur leurs velléités (typiquement teutonne – qu’ils sont naïfs, ces Teutons !) d’indépendance de la BCE, ils montrent maintenant les crocs en se rendant compte que … la France les entube gentiment par tous les orifices postérieurs.

Il apparaît en effet que la BCE a déjà du se taper pour 40 milliards de dettes pourries dont plus personne ne voulait, ce qui n’est pas tellement bon signe pour l’avenir de la Banque Centrale qui ressemble de plus en plus à un dépotoir.

Mais si l’on ajoute qu’apparemment, la France a demandé discrètement à Jean-Claude, le patron de la BCE, de faire racheter rapidement la dette grecque détenue en priorité par les banques françaises, et à hauteur de 25 milliards sur ces 40, on comprend que les Allemands, qui se sont interdits une telle opération de haute-voltige, se sentent un tantinet trouyotés de l’arrière-train et qu’ils parlent dès lors d’un véritable complot des Français pour camoufler les opérations calamiteuses de leurs institutions financières.

Au passage, on admirera les termes polis dans lesquels le Figaro retranscrit l’article du Spiegel. En réalité, les Allemands ne sont pas seulement irrités, ils sont furibards.

Si l’on se rappelle que ces mêmes Français n’avaient que le mot « solidarité » à la bouche lorsque la crise grecque éclata il y a de cela un mois, on comprend que cette solidarité est, comme d’habitude dans ce pays, avec ce sens très particulier qui vise à répartir les risques sur les autres et concentrer les crédits sur soi.

Coincés entre l’odeur du soufre toujours plus forte et les magouilles de plus en plus visibles, le gouvernement et, par extension, l’Etat français se rapprochent tous les jours d’une catastrophe que chacun de ses membres fait tout pour obtenir.

Pas de doute : ce pays est foutu.


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