Un ancien maire, pourtant encensé pour ses réussites municipales, qui dépasse à peine les 27% dans la capitale qu’il a dirigée (contre 40 % à Santos), comme avant et après lui ses associés du Parti vert, Enrique Peñalosa (1998-2001) et Lucho Garzon (2004-2007). Le phénomène médiatique et virtuel que nous supposions dès le début de la campagne ne s’est donc pas concrétisé dans les urnes et s’est heurté au pays réel. Pire, l’espère d’une mobilisation des abstentionnistes n’a pas si bien fonctionné puisque 51% des inscrits ne se sont pas déplacés, soit seulement 4% de moins que la précédente élections.
Reste à voir ce qu’il en est des dits « primivotants », mais il est fort à parier que les jeunes forts en Facebook le soit moins dans la réalité des urnes. Au second tour, Antanas Mockus pourra cependant compter avec la mobilisation des abstentionnistes soudain réveillés par une probable victoire de Santos et par une partie des électeurs du candidat du Pôle démocratique, Gustavo Petro. Celui-ci atteint près de 10 % des voix et jouera un rôle important dans la tournure que prendra second tour, bien que la candidat vert ait refusé toute alliance avec sa formation (voir ce post).
Plus que la défaite d’un candidat dont le nouveau mouvement parvient malgré tout au second tour, c’est la défaite des enquêteurs, des éditorialistes et de la presse internationales, qui ont énormément influencé la campagne en faveur d’Antanas Mockus quoiqu’en disent ses partisans. Ceux-ci avait même supposé, au moment de la baisse de leur candidat dans les sondages, que les instituts favorisaient le candidat proche du pouvoir par la multiplication des filtres (voir cette caricature). Le quotidien El Espectador ayant même parlé de « dictature des enquêtes », on voit que le peuple colombien reste au bout du compte peu sensible à la tyrannie du cinquième ou sixième pouvoir.
Comme le candidat du mouvement Cambio Radical, German Vargas Lleras. Cet uribiste dissident (il était contre la réélection ce qui lui a coûté le rôle de dauphin), homme politique partisan de la ligne dure contre les Farc, aguerri et déterminé, était donné à 4% dans les derniers sondages et poussé à l’abandon alors même qu’on louait son programme comme le meilleur ! Avec beaucoup de courage et de pugnacité, il avait décidé de poursuivre contre vent et marée (verte) une campagne axé sur la sécurité et le social ( “mieux est possible”, sous-entendu mieux qu’Uribe…), commencée il y plus d’un an dans tout le pays. Bien lui en a pris : il parvient en troisième position avec un peu plus de 10% des voix, ce qui le place en position déterminante pour le second tour, contrairement à la candidate conservatrice Noémi Sanin (6 %).
Avec le Parti libéral (4,38%), le Parti conservateur est en effet le grand perdant de ce premier tour. Les deux formations politiques historiques colombiennes, qui se sont partagées le pouvoir pendant des décennies, achèvent donc leur décomposition inaugurée en 2002 avec la victoire d’un indépendant (dissident du Parti libéral soutenu par le Parti conservateur) nommé Alvaro Uribe. C’est lui, au final, qui s’avère le grand victorieux de cette campagne si l’on cumule les votes uribistes en faveur de Santos et de Vargas Lleras – près de 57 % – sans compter ceux des conservateurs. Un président d’autant plus victorieux car pour la première fois depuis longtemps, l’élection présidentielle se sera déroulée sans être troublée par la guérilla, aussi bien en ce qui concerne l’ordre public que les thèmes de campagne.