La politique de sécurité sociale a échoué dans tous les pays occidentaux sauf un. Par « échoué », j'entends « consommé des budgets de plus en plus importants sans avoir un effet à la hauteur sur la pauvreté ni sur les inégalités ». Les aides prévues pour avoir un effet transformatif ponctuel sont devenues structurelles, du fait que les gens sont encouragés à faire tourner leurs affaires autour du fait de devenir éligibles pour des allocations. Des dizaines de millions de personnes se sont retrouvées prises au piège d'une repoussante dépendance.
L'exception ? Les États Unis où, en 1996, le président Clinton a signé l'acte d'application de la réforme de l'État providence qui a eu le plus de succès de toute l'histoire humaine. Elle a fonctionné selon toutes les variables mesurables. La pauvreté, le chômage et les budgets ont tous chuté fortement, alors même que la satisfaction parmi les anciens bénéficiaires d'allocations est montée en flèche.
Il est vrai que cette loi de 1996 est arrivée à une époque de forte croissance économique ; mais cela en soi n'explique pas le transfert presque miraculeux de la dépendance vers le travail lucratif. Le nombre de familles vivant de l'assistance a chuté de 5 millions à 2 millions. 1,6 millions d'enfants ont été sortis de la pauvreté. Et, peut-être plus impressionnant encore, les réformes ont élevé des groupes qui n'avaient jamais été touchés par les précédentes initiatives d'Etat providence : la pauvreté parmi les enfants noirs est passée de 42% à 33%. Parmi les mères célibataires, de 50% à 42%.
Et quelle était la formule magique ? Quelle baguette le président Clinton (ou, si vous préférez, Newt Gingrich) a-t-il agité pour provoquer une transformation si extraordinaire. Le localisme ! L'Acte de Responsabilités Personnelles et d'Opportunités Professionnelles de 1996 a transféré la sécurité sociale du gouvernement fédéral vers les États et a donné aux autorités locales des incitations à réduire la masse des dossiers. Ayant gagné la liberté de mener des expériences, les États s'en sont saisi à bras le corps. Certains ont encouragé les employeurs à embaucher des chômeurs ; d'autres ont organisé eux même des programmes ; la plupart ont mis comme condition au paiement d'allocations le fait d'accepter des offres d'emploi. Les pratiques les meilleures se sont rapidement répandues, puisque les États se sont mis à copier ce qui marchait ailleurs.
J'espère que Iain Duncan Smith, notre nouveau secrétaire d'État au travail et aux retraites, qui jusqu'ici n'a pas fait une seule erreur, prendra en considération le rôle que le localisme peut jouer dans la réduction de la pauvreté au Royaume Uni. Après tout, c'est tout sauf une idée neuve : entre la dissolution des monastères et la réforme de Lloyd George en 1909, la sécurité sociale était considérée comme une mission entièrement municipale en Grande Bretagne. A ce jour encore, les comtés et les villes sont responsables pour le paiement des allocations, mais, de façon absurde, n'ont pas leur mot à dire sur qui est éligible. Leur donner cette liberté ne coûterait pas un penny de plus et ne nécessiterait aucune création de poste d'officiel.
Les avantages du localisme dans l'État providence sont faciles à énumérer :
Premièrement, les grandes bureaucraties entrainent des conséquences inattendues. Alors que les comtés et les villes pourraient faire du sur mesure pour s'adapter aux besoins locaux, un système uniforme qui couvre 60 millions de personnes contient obligatoirement des raccourcis, qui attirent vers la dépendance des gens qu'on n'aurait jamais envisagés comme récipiendaires.
Deuxièmement, la proximité facilite le discernement. La personne A peut être une veuve méritante qui n'a pas eu de chance, la personne B un voyou connu. Un employé local traitant les dossiers peut voir ça clairement. Mais si les règles centrales descendant du gouvernement central à Whitehall place ces deux personnes dans la même catégorie, ils doivent être traités de façon identique.
Troisièmement, le pluralisme répand les pratiques les meilleures. La liberté d'innover signifie que les autorités du comté peuvent avoir des idées auxquelles les bureaucrates du ministère du travail et des retraites n'auraient jamais rêvé.
Quatrièmement, il y a beaucoup plus de chance que des agents non étatiques –églises, organisations caritatives, entreprises- s'impliquent dans des projets locaux que dans des programmes nationaux, et de telles organisations sont bien meilleures pour sortir les gens de la pauvreté que des entités étatiques.
Cinquièmement, le localisme transforme les attitudes. Les gens auraient une attitude très différente envers, par exemple, le voisin dont ils savent qu'il touche des indemnités d'invalidité alors même qu'il travaille comme électricien, s'ils en ressentaient l'impact sur leurs impôts locaux.
Sixièmement, et c'est peut-être le plus important, le localisme renforce la notion de responsabilité : notre responsabilité de nous apporter du soutien à nous-mêmes et notre responsabilité vis-à-vis des gens autour de nous –pas une catégorie de « sous privilégiés », mais des voisins que nous voyons- qui, pour quelque raison que ce soit, ne peuvent subvenir à leurs propres besoins. Ce n'est plus comme si nous étions déchargés de notre obligation le moment où nous avons payé nos impôts.
Bref, le localisme ferait de nous de meilleurs citoyens.
Un article de Daniel Hannan publié sur le site du Telegraph.