4e de couverture :
" Le saxophone était recourbé comme le cou d'un cygne, avec une foule de touches dorées sur le côté. Ce jour-là, Eléonore était restéeplus longtemps que prévu, le nez collé à la vitrine. elle rêvait : à la fanfare, à son frère, à Lille, à ses parents et au jour où peut-être, enfin, elle les reverrait. Elle était perdue dans ses souvenirs quand un garçon qui devait avoir à peine quinze ans la surprit : " Vous aimez la musique, c'est bien rare pour une fille ! " Elle sursauta avant de répondre : " Ces instruments sont les plus beaux du monde ! "
Lille, 1862 : Eléonore a dix ans et une oreille exceptionnelle. Son père devient fou de rage lorsqu'il découvre qu'elle joue de la musique en cachette : ce n'est pas convenable ! Pour lui faire passer l'envie de devenir musicienne, il l'envoie à Paris chez son oncle et sa tante, qui tiennent une blanchisserie. Mais l'enfant trouve vite le moyen de se faire embaucher dans l'atelier de fabrication d'instruments de Monsieur Adolphe Sax, le génial inventeur du saxophone. Commence alors une vie peuplée d'amitiés et d'amours impossibles, entre Montmartre et Pigalle, où se croisent peintres, artistes et tout le petit peuple de Paris, aux temps de la Commune et des premières expositions universelles. Devenue une musicienne hors pair, Eléonore rencontre un trompettiste américain qui va bouleverser sa vie. Le souffle de cet amour la conduira au-delà de l'Atlantique, jusqu'à La Nouvelle-Orléans. "
J'ai apprécié cet ouvrage qui, sur une toile de fond historique, nous conte les aventures d'une jeune musicienne qui lutte pour réaliser ses rêves. Même si certaines tournures de phrases m'ont laissée perplexe et même si certains aspects de l'histoire m'ont paru parfois simplistes dans leur traitement, comme par exemple l'évocation de la Commune de Paris, très rapide et superficielle, j'ai trouvé l'ensemble plaisant. On prend plaisir à voir se dérouler la vie d'Eléonore, rythmée par son amour de la musique et les difficultés que cela entraine quand on est une femme à la fin du 19e siècle.
En effet, les préjugés concernant les femmes sont longuement évoqués (peut-être parce qu'il s'agit de deux "auteures"?) : Eléonore est envoyée à Paris parce que son père refuse d'avoir une musicienne dans sa famille alors que lui-même joue d'un instrument ; elle doit se déguiser en garçon pour être embaucher comme apprentie dans l'atelier d'Adolphe Sax, qui n'engage pas de femmes ; la fanfare féminine dirigée par Adolphe Sax est interdite de représentation lors de l'exposition universelle de 1867, etc. En revanche, d'autres types de ségrégations ou de préjugés ayant cours à l'époque sont traités de manière très légère ou sont carrément inexistants : ainsi, le couple (hors mariage) formé par Jim, jeune homme noir-américain qui s'éprend d'une jeune femme blanche et française, ne semble poser aucun problème, ni même l'enfant métisse qui naitra de cet amour. Je peux paraitre pessimiste, mais il me semble qu'à cette époque, les gens étaient beaucoup moins tolérants et un couple mixte non marié ne pouvait pas passer inaperçu, ni être exempt de jugement, malheureusement.
On peut toutefois passer outre ces quelques aspects et suivre avec plaisir les aventures d'Eléonore, au fil d'un récit qui se déroule rapidement et se lit tout aussi vite. J'ai également trouvé qu'il s'agissait d'une approche intéressante du monde de la musique, qui, personnellement, m'a donné envie de me pencher plus amplement sur la question, notamment en ce qui concerne l'invention et la fabrication des instruments des frères Sax. Un premier tome qui donne envie, je pense, de poursuivre un peu plus longuement la route en compagnie d'Eléonore...