Tony Stark est l’héritier de Stark Industries, principal fournisseur en armement de l’armée américaine : ingénieur surdoué mais aussi playboy milliardaire, il collectionne les top modèles comme les prix d’excellence en innovations technologiques. Après une démonstration de son dernier type de missile en Afghanistan, il est kidnappé par un groupe d’insurgés qui exigent de lui la construction d’une arme semblable. Mais à leur insu, Stark conçoit une armure de combat révolutionnaire avec laquelle il échappe à ses ravisseurs. Comprenant tout le potentiel de son invention, il décide de l’utiliser pour rendre la justice et protéger les innocents. Mais il y a une ombre à ce tableau du rêve américain : se pourrait-il que son enlèvement ait été en fait organisé depuis les États-Unis ? Et peut-être même par quelqu’un de très proche de lui ? Mais qui, et surtout pourquoi ?
S’il y a peu d’adaptations réussies, de super-héros ou pas, celle-ci en fait partie. En replaçant le récit original dans le contexte de la guerre actuelle d’Afghanistan, le scénario parvient à dépoussiérer un mythe du comics pourtant vieux de près d’un demi-siècle à l’époque de la réalisation de ce film. En effet, dans sa toute première itération, en comics, Iron Man naît au beau milieu de la jungle du Vietnam où s’embourbe l’armée US ; ici, il prend ses racines dans un désert devenu un autre bourbier.
À la différence du comics original (1), cette adaptation se permet une certaine distanciation vis-à-vis de la politique belliciste des USA. Car si ici Tony Stark est présenté d’abord comme un cynique certes patriote mais néanmoins marchand de mort, il évolue vite vers un personnage peut-être un peu plus naïf mais tout aussi assurément plus à même de s’attirer les bonnes grâces du public. Du coup, la critique – très indirecte – de l’occupation de l’Afghanistan prend-elle à son tour un aspect plus racoleur. Ou en tous cas plus en prise avec son temps puisqu’il paraît difficile aujourd’hui de vendre un film où le héros principal est un pur va-t-en-guerre…
Quant à la représentation faite ici du monde industriel, univers où règne les requins très fortunés de la finance, elle se réclame bien évidemment d’un registre semblable où la dénonciation a de nets relents hypocrites. Car ce genre de satire a beau être souvent utilisée à Hollywood, il ne parvient pas à faire oublier – sauf le temps du film, et encore – que le monde du cinéma n’est jamais qu’une autre industrie lui aussi, autour de laquelle rôdent d’autres requins, voire parfois les mêmes que ceux précédemment évoqués. Bref, des gens qui savent très bien qu’on caresse toujours l’audience dans le sens du poil : il faut bien vendre les places après tout.
De sorte qu’après l’éclatement de la bulle spéculative de l’automne 2008, on peut se demander lequel de ces deux aspects du film le spectateur retiendra : dénonciation de la guerre, ou du libéralisme ? À moins qu’il s’agisse des deux à la fois : chacun sait qu’ils vont bien ensemble, et depuis au moins la guerre de 14.
Il reste néanmoins une réalisation sympathique, distrayante, pas aussi naïve que le matériel de base dont elle est tirée – mais pas beaucoup moins non plus – et dont les images vous procureront les joies et les frissons qu’on est en droit d’attendre de ces films dits « pop corn » ; quant aux effets spéciaux, s’ils sont largement à la hauteur de tous ces blockbusters auxquels Hollywood nous a habitué, ce qui ne surprend plus personne, ils prennent ici une tournure assez inattendue en nous proposant une modernisation bienvenue de l’armure d’Iron Man – où on sent bien qu’est passée par là cette « recette » Transformers caractérisée par un déluge de détails méchaniques dont l’utilité réelle nous échappe mais sans nous fasciner moins pour autant – un renouvellement qui gomme cet aspect si typique des super-héros dont les muscles saillants sous leur costume ont de nos jours quelque chose d’anachronique. Et ce n’est pas plus mal car le concept de l’armure mécanisée y devient en quelque sorte plus tangible, ce qui renforce ainsi l’immersion du spectateur dans le récit…
Un film qui se laisse regarder, donc, que vous aimiez ou non les super-héros, mais à voir de préférence en comité, avant, pendant ou après une soirée qui vous apportera tout ce qu’Iron Man ne peut donner pendant plus de deux heures : du bon temps avec celles et ceux qui vous sont chers.
(1) je ne tiens pas compte ici du retcon des origines du personnage présenté dans l’Official Handbook of the Marvel Universe: Avengers 2004 mais bien du récit original des années 60. ↩
Notes :
Ce film est une adaptation du célèbre comics de super-héros Iron Man créé par Stan Lee pour Marvel Comics en 1963.
Cette production est la première entièrement financée par Marvel Studios.
Le spectateur sera bien inspiré de regarder le générique de fin en entier car une séquence supplémentaire l’attend à la fin de celui-ci, qui ouvre des perspectives nouvelles pour Tony Stark.
Iron Man, Jon Favrau
Warner Home Video, 2008
125 minutes, env. 10 € (édition simple)