De son titre original Velvet File, plus évocateur sous bien des aspects que son équivalent en français, Robot Warlords semble au premier abord une sorte de clone de Front Mission. Il faut pourtant s’y plonger concrètement pour voir qu’il est à la fois bien plus et bien moins.
Bien plus, car sur le plan des mécaniques de jeu c’est de loin le titre qui propose le meilleur réalisme dans la résolution des affrontements ; une performance d’autant plus appréciable que le thème choisi ici par les développeurs reste encore du pur domaine de la science-fiction : il n’y a en effet jamais eu de mechas, au sens strict du terme, sur les champs de bataille – de sorte que le choix du réalisme devient ainsi un véritable défi en raison de l’absence totale de référence dans le monde réel : comment, en effet, représenter de manière plausible ce qui n’a jamais été observé ? (1)
Il y a quelque chose de BattleTech dans Robot Warlords. D’abord parce que si les combats s’y font au tour par tour, il ne s’agit pas pour un camp tout entier de mener d’abord ses actions avant de laisser l’adversaire agir, avec tous les avantages qu’implique cette prise d’initiative ; là, c’est l’unité la plus légère qui agit en premier, quel que soit le camp de celle-ci, puis la suivante dans l’ordre de poids, à nouveau indépendamment de sa faction, et ainsi de suite ; ce qui est somme toute assez logique – c’est-à-dire réaliste. Ensuite, il n’est pas possible pour une unité qui fait face dans une certaine direction de tirer sur une cible qui se trouve derrière elle : s’il s’agit de simple bon sens, force est de constater que la plupart des titres se réclamant du genre des Tactical RPG n’en font généralement pas preuve – la franchise Front Mission déjà évoquée n’étant pas en reste… Finalement, une unité sous le feu ennemi a toujours le moyen de riposter à l’attaque qu’elle subit, via la programmation adéquate, et du moins tant qu’il lui reste les points d’action pour ce faire : elle ne reste pas les bras croisés en attendant de se faire descendre, ce qui est là encore une autre affaire de simple bon sens mais que je n’avais encore jamais eu l’occasion d’observer jusqu’ici – l’astuce consiste ici à permettre la gestion de combats en quelque sorte simultanés, d’une manière encore une fois assez comparable à BattleTech…
Mais Robot Warlords est aussi bien moins que la franchise dont il s’inspire, car sa réalisation laisse hélas beaucoup à désirer. Une fois mis de côté le doublage pathétique de la version française, contre lequel les créateurs de ce jeu ne peuvent évidemment rien et qui peut néanmoins être coupé dans les options, il reste des éléments de design assez lacunaires. Les personnages, par exemple, semblent avoir été dessinés par quelqu’un qui ne sait pas tenir un crayon, ou presque pas ; mais on ne les voit pas souvent puisqu’ils passent les combats à l’intérieur de leur engin alors ce n’est pas vraiment un défaut. Il y a aussi les animations des affrontements qui peuvent devenir pesantes : si l’idée de montrer les machines s’animer lors des échanges ne manque pas d’intérêt – et renforce la similitude avec Front Mission –, le résultat final est moins heureux et devient vite lassant par sa répétitivité ; mais c’est là encore un élément qui peut être coupé dans les options, ce qui écourte d’ailleurs considérablement la durée des combats – ici pour le mieux. Enfin, l’intrigue – pour le moins minimale – reste bien loin de la complexité et de la longueur d’un Front Mission ; mais le mode Combat permet de rallonger la durée de vie du jeu à l’infini à travers la création aléatoire de scénarios de combats supplémentaires, et ce dès que la campagne est terminée.
Sur le plan des idées, il n’y a rien de franchement excitant, mis à part une illustration de cette dichotomie propre au Japon souvent présenté comme tiraillé « entre tradition et modernité » – même si la réalité est plus complexe que ça – et qui du reste ne devrait plus surprendre ceux d’entre vous qui sont habitués aux productions nippones, quel que soit leur support. Le parti consistant à placer le récit dans le présent a certainement posé un défi intéressant aux développeurs car tous les environnements 3D de la campagne reproduisent à l’identique des quartiers existants de Tokyo – ce qui renforce d’autant plus l’aspect réaliste du jeu. Mérite aussi d’être mentionné la participation de Shinji Aramaki – un des fondateurs du mythique mais hélas défunt studio Artmic – dans le design des mechas et de leurs nombreuses pièces que le joueur peut combiner à loisir afin de personnaliser les engins qu’il souhaite utiliser en combat– toujours à la manière d’un Front Mission.
Si Robot Warlords a souffert de la comparaison avec Front Mission 3 lors de sa sortie, il faut bien admettre que celle-ci était assez malvenue. D’abord parce que le titre de Dazz lui est bien supérieur sous certains aspects, même s’il reste très nettement inférieur sous d’autres ; ensuite parce que la série de Square est bien entendu épaulée par la réputation légendaire de ses développeurs, qui n’ont plus rien à prouver depuis longtemps au contraire des créateurs de Robot Warlords. Il reste néanmoins une production sympathique et agréable qui mérite largement quelques heures de votre temps.
(1) bien sûr, la remarque fonctionne aussi en sens inverse : le joueur n’a lui non plus aucun réel moyen de comparaison avec la réalité pour juger si le produit final est effectivement réaliste ou non ; de sorte que mon avis doit donc être pris pour ce qu’il est : un simple avis… ↩
Robot Warlords (Velvet File)
DaZZ, 2002 (version PAL)
Playstation 2, env. 15 €