Nos deux héroïnes et leur némésis asiatique ont enfin atteint le Monde Perdu et c’est là que l’aventure prend enfin la tournure qu’attendait le lecteur. À peu près en tous cas, car le concours de circonstances brièvement évoqué dans le synopsis ci-dessus les laisse en fait dépourvues de toutes armes – mis à part les quelques cartouches de leur compagne d’infortune Maï Maï, munitions du reste vite brûlées : d’abord pour repousser les assauts des premiers sauriens géants, et ensuite pour allumer le brasier qui restera leur meilleure défense contre les attaques suivantes.
C’est ce contraste qui sous-tend chacun de leurs instants, ce qui les pousse à chercher une sortie hors de cet enfer mésozoïque mais aussi, hélas, qui menace de les anéantir à tous moments : pas seulement parce qu’elles ne sont pas habituées aux circonstances, mais aussi parce que leurs souvenirs de la vie du dehors prennent parfois le pas sur leur nouveau quotidien en les exposant ainsi à des dangers qu’elles pourraient mieux éviter si elles étaient plus concentrées sur leur situation actuelle.
Mais, on s’en doute bien, l’issue du récit sera heureuse malgré tout : il en va ainsi de toutes les aventures – autrement elles seraient des tragédies. Pourtant, elle ne finit pas non plus comme une histoire de Tintin, car en dépit de toute l’affection que porte Kuijpers à l’œuvre d’Hergé, il ne fait pas pour autant partie de la même génération : il est plus moderne, plus nuancé dans son approche des personnages et de leurs relations entre eux, et puis surtout il s’adresse dans ce cas précis à un public plus âgé que celui de ses productions précédentes…
En renouvelant avec adresse mais aussi une certaine dérision un poncif du récit d’aventure, Henk Kuijpers parvient en l’espace de moins de 50 planches à saisir toute l’essence du genre : le dépaysement, le frisson, la curiosité, l’humour,… Bref, le divertissement. Celui qui continue à habiter le lecteur bien longtemps après qu’il ait tourné la dernière page.
Note :
Cette chronique concerne l’édition française de 1987.
Dragon-Tonnerre, Henk Kuijpers, 1986
Les Humanoïdes associés, juin 2007
46 pages, env. 6 €, ISBN : 978-2-731-61950-8
- chronique du tome précédent : Les Dents du Dragon
- d’autres avis : Asteline, Yozone, Bedepolar, Planète BD, 1001 Livres
- la fiche de l’album chez Les Humano (avec des planches en couleurs)