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La marée noire, un justificatif pour un droit mondial de l'environnement ?

Publié le 28 mai 2010 par Copeau @Contrepoints
La marée noire, un justificatif pour un droit mondial de l'environnement ?

La catastrophe pétrolière qui se déroule en ce moments en Louisiane à la suite des fuites d'un forage pourrait bien s'achever puisque les fuites sont colmatées selon BP. Cependant, cette catastrophe suscite sans surprise l'appétit de tous ceux qui vivent de ces catastrophes environnementales et des conséquences qu'elles entrainent. Cette page opinion de Nicolas Gardères et Thomas Porcher dans La Tribune en est un exemple intéressant. Appliquant la « stratégie du choc » chère à Rahm Emanuel (“Never allow a crisis to go to waste”), les deux auteurs, juriste en droit de l'environnement ou consultant pétrolier, tentent de nous convaincre que la marée noire rend nécessaire un « contrôle à un échelon international ». Vraiment ?

Quel système pour éviter les catastrophes ?

Le contrôle du risque environnemental par des règlementations toujours plus complexes et procédurières a fait aujourd'hui la preuve de son inutilité. Les deux auteurs le reconnaissent, écrivant, sans en tirer les conclusions, que « à l'origine de ces catastrophes, il y a des fautes, des erreurs, des manquements aux règles, des violations du droit ».

En effet, quand les règles deviennent si nombreuses et pointilleuses, on s'attarde au mieux à en respecter la lettre en en oubliant l'esprit, au pire à les enfreindre allègrement. Comme Montesquieu le notait dans son Esprit des Lois, « les lois inutiles affaiblissent les nécessaires ».

Faire un détour par la finance permet de comprendre l'impact de cet excès de règles environnementales. Les scandales comptables (Enron, Tyco, Worldcom, etc.) aboutirent au vote de la loi Sarbanes-Oxley de 2002 qui a obligé les entreprises américaines à effectuer des contrôles internes ultraprocéduriers et rigoureux. Loin d'éviter la crise financière actuelle, ces contrôles tatillons ont été inutiles et néfastes.Inutiles car les entreprises concernées avaient déjà en place leurs propres contrôles, plus adéquats. Néfastes aussi comme le montrèrent de nombreux travaux académiques ; le juriste Kate Litvak montra ainsi dans un article du Journal of Corporate Finance que les entreprises soumises à la loi Sarbanes Oxley avaient de moins bons résultats que celles qui n'y étaient pas soumises. Pire, une étude de 2007 montra que 75% des fraud examiners estimaient que la fraude avait augmenté avec la loi. Dans le même temps, la loi Sarbanes Oxley fit naitre un vaste mouvement de retrait du marché boursier américain des entreprises étrangères ou des entreprises locales soucieuses de s'en exonérer.

Cette grille d'analyse se décline remarquablement sur la réglementation environnementale :
- une couche de réglementation de plus serait inutile, les sociétés ont déjà en place de nombreux contrôles du risque en raison des puissantes incitations à éviter toute catastrophe auxquelles elles sont soumises (primes d'assurance, coûts massifs des nettoyages, perte d'image, nous y reviendrons).
- néfaste, car donnant une fausse illusion de sécurité, alors que le risque est inhérent à ces activités et qu'il faut chercher à le limiter plutôt qu'à le cacher. Dans le cas maritime, le risque est grand de voir se poursuivre le développement des pavillons de complaisance pour éviter le mille-feuilles administratif des pays développés. Néfaste aussi car choisir l'interdiction de certaines pratiques ou recherches, c'est se priver surtout, et de manière certaine, des bénéfices qu'ils peuvent apporter au nom d'un risque qui n'est que potentiel.

Rajouter plus encore de règlementation, c'est donc s'exposer à voir ces conséquences néfastes devenir plus courantes encore.

L'efficacité du principe pollueur-payeur

La réponse réellement efficace aux problèmes de dommages environnementaux, c'est l'application du principe pollueur-payeur. Celui qui pollue en assume les conséquences a posteriori, son assurance étant en outre une garantie de l'indemnisation des victimes.

A la différence de l'ultraréglementation, ce système fonctionne : quand l'Exxon Valdez déversa plus de 40 millions de litres de pétrole au large de l'Alaska, Exxon dut payer 4,3 milliards en nettoyage et en frais légaux. Une incitation très forte à limiter les accidents, tant pour Exxon que pour les autres compagnies. Dans le cas de BP, l'agence de notation Fitch Ratings estime que le nettoyage seul pourrait coûter à la compagnie britannique entre 2 et 3 milliards de dollars. Le groupe pétrolier a indiqué pour sa part le 28 mai que la marée noire provoquée par le sinistre de la plateforme Deepwater Horizon dans le Golfe du Mexique lui avait déjà coûté environ 930 millions de dollars. Depuis la marée noire, la capitalisation boursière de BP a chuté de 25%, ce qui a coûté aux actionnaires la bagatelle de 25 milliards de dollars. Peut-on imaginer un incentive plus puissant ?

Depuis la marée noire, la capitalisation boursière de BP a chuté de 25%. L'accident a coûté aux actionnaires la bagatelle de 25 milliards de dollars

Alors certes, une marée noire est toujours une marée noire de trop et on ne peut que déplorer la pollution qu'elle engendre. Mais poser en absolu l'évitement de tout accident par la multiplication des lois et des interdictions, c'est garantir tout sauf une baisse de ces catastrophes. Aussi imparfait soit-il, le principe pollueur payeur permet à l'inverse de limiter les risques. Il est dur de voir dans les appels à une réglementation mondiale autre chose que pur intérêt matériel de certaines professions ou soif de pouvoir...


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