C’est un peu sur un coup de tête que j’ai écrit dans le précédent billet que le blog eco-sapiens s’arrêtait. En fait la poudre s’entassait depuis quelques années et il manquait le détonateur qui fut cette réflexion comparative entre l’industrie automobile et l’industrie numérique.
A la fin du billet, il me parut tout à fait logique d’aller jusqu’au bout. Un brin provocateur peut-être. Mais la question est toujours là. Elle se résume à la formule du plus grand poète du XXème siècle, Gherasim Luca, « Comment s’en sortir sans sortir« .
Car on a beau jeu de parler d’écologie, d’épuisement des ressources, de manque de lien social dérobé par nos écrans… tout en ayant un blog. Et je pense sincèrement qu’il y a un problème de fond au tout numérique de même qu’il y a un problème de fond avec la société automobile.
A l’heure où j’écris ces lignes, BP en est à son cinquième plan foireux pour colmater une marée noire dont on sait qu’elle dérivera encore au moins un an. Et si dans dix ans, on raclait le fond des océans pour les derniers microgrammes de palladium. J’évoque la palladium pour dire que c’est encore plus dramatique que le pétrole (moins le forçage carbone). Il y a plus de palladium dans nos appareils numériques et nos pots catalytiques qu’il en reste dans les mines.
A ce propos, l’exemple du palladium recèle de multiples symboles. D’abord parce originellement, on l’utilisait pour les pots catalytiques. Ce fut donc une exploitation pour lutter contre certaines pollutions de l’automobile.
Ensuite parce qu’aujourd’hui, une part croissante de son utilisation va aux gadgets électroniques (certainement l’IPad qui sort aujourd’hui). Comme si cette transition de l’automobile au numérique était contenue dans ce métal.
Voilà le monde de nos parents, obsédé de déplacements et d’automobiles laisse la place au monde actuel, obsédé de communications et d’Internet.
Alors, forcément, parfois on a envie de dire « Je ne marche pas !» .
J’avoue être toujours sidéré par l’enthousiasme naïf que je lis sur divers sites écolos. Tel ordinateur serait vert, tel téléphone serait écologique. A ma connaissance, la seule critique vraiment sérieuse de cette pseudo-écologie numérique se situe aux éditions L’échappée, notamment l’excellent livre La Tyrannie Technologique à la couverture évocatrice.
Voilà pour les considérations sur l’informatique. Je ne ferai plus d’auto-flagellation. Et je précise que ne suis évidemment pas partisan des communications par pigeons voyageurs (ce genre de caricatures déshonore d’ailleurs tous ces aliborons sévissant sur les forums).
De même qu’on peut manger local on pourra aussi poser la question du communiquer local.
Ceci dit, quelques justifications à la poursuite du blog eco-sapiens.
- Nombre de blogs écolos font du relai. En clair, ils ne produisent pas d’information, ils buzzent. C’est indispensable mais ce n’est pas vraiment notre « truc» .
- Alors le blog pourrait parler de nous, de notre société coopérative, des festivals auxquels nous participons etc. Mais alors cela intéressera surtout ceux qui nous connaissent. Et puis… notre nombril…
- Le blog pourrait aussi être un lieu d’exfiltration de toutes ces informations trop brûlantes pour figurer sur le site officiel (exemple: huile de palme bio colombienne dont on pas fini de reparler)
- Enfin le blog pourrait surtout parler de ce dont on ne parle pas ailleurs. Par exemple l’excellent numéro de Silence ! paru ce mois-ci, sur la non-violence.
Ainsi, autant l’annoncer, si nous continuons ce blog, il sera plus orienté sur le monde sous-marin de l’écologie. En clair, de même que le site officiel eco-sapiens souhaite rendre visible ces boutiques alternatives, le blog mettra en relief, ceux qui font un boulot énorme et dont on parle peu.
La précédente référence à la revue S!lence en est un exemple. Comment expliquer que cette revue phare, la plus vieille qui soit dans la presse écologique, soit totalement ignorée du buzz médiatique actuel ?
Pour le dire autrement, et sans aucun goût pour le « c’était mieux avant» , l’idée sera donc de fuir l’actualité pour mieux regarder en amont. « Que s’est-il passé ?» plutôt que « que se passe-t-il ?»
J’espère que ce virage éditorial ne décevra pas !
Au plaisir de vous lire.