Je suis assez en accord avec la chronique de Christian Makarian parue dans l'Express de cette semaine. Je n'aime pas le terme de "journalisme citoyen" qu'utilisent beaucoup d'internautes.
Si les nouveaux médias permettent à chacun de s'exprimer et de faire circuler des informations, je pense qu'il faut faire attention, le journalisme reste une profession, décriée souvent, si n'importe qui peut se qualifier de "journaliste citoyen" l'on risque de voir certaines dérives.
Il est extrêmement facle par le net de donner dans la desinformation, dans la calomnie,... Tout le monde n'a pas forcément les réseaux nécessaires pour vérifier les informations et recouper les sources, je pense que c'est quelque chose que seul un journaliste peut déveloper car c'est une activité à plein temps pour lui.
Ensuite, il y a le problème de la main-mise de certains groupes sur le secteur médiatique, mais c'est un autre débat. Que chacun fasse circuler les informations, fassent ses petites enquêtes personnelles, oui, c'est même une bonne chose. Le web permet de se réaproprier un espace d'expression auquel tous n'ont pas accès pour faire connaitre leurs idées, cependant, je pense qu'il faut trouver une autre dénomination que celle de "journalisme citoyen".
Un certain nombre de personnes ont la rigueur nécessaire, mais pas dans la grande majorité, et trop de gens prennent pour argent comptant ce qu'ils peuvent lire sur le net. On joue avec le feu de la sorte, n'importe qui peut détruire la vie de X ou Y en lançant de fausses rumeurs et accusations tout en prétendant faire du 'journalisme citoyen".
Si les médias sont par trop contrôlés, un certain nombre de garde-fous existent, pas dans le cas de ce "journalisme citoyen" où le premier venu peut se déclarer reporter. Tout ce qui est sur le web n'est pas de l'information.
LEXPRESS.fr du 05/12/2007
La chronique de Christian Makarian
La face cachée du monde
La mission d'informer est plus que jamais une profession : il suffit de lire Guetta et Lacouture
l y a une trentaine d'années, l'émergence des ONG, concomitante à la montée en puissance de la télévision, marquait l'arrivée de nouveaux acteurs au cœur des grands conflits mondiaux. Aujourd'hui, faut-il considérer la montée en force du citizen journalism (journalisme citoyen) comme un phénomène d'égale importance? Apparemment, de plus en plus d'usagers d'Internet sont persuadés qu'il suffit de surfer sur le Web pour en savoir assez, et prendre ce que l'on pense pour de l'information. C'est malheureusement beaucoup plus compliqué.
Pour le comprendre, il suffit de lire le dernier livre de Bernard Guetta et Jean Lacouture, Le monde est mon métier (Grasset). Ce n'est pas par hasard que Bernard Guetta, qui fut chroniqueur de politique étrangère à L'Express après avoir solidement couvert les années Solidarnosc et celles de la perestroïka, a choisi de dialoguer avec un «éléphant» de la profession. Ses échanges avec Jean Lacouture, témoin privilégié de la décolonisation, figure de l'intellectuel de gauche, nous plongent aux racines d'un journalisme plus décrié que jamais. «Pire que tout, s'insurge Guetta, n'importe quel crétin, animateur d'une émission de télévision conçue pour être la plus vulgaire possible, est appelé "journaliste", et cela n'arrange pas notre image.» C'est vrai. Comme il est également vrai que Jean Lacouture s'est lourdement trompé en saluant l'arrivée des Khmers rouges à Phnom Penh. Ce qui le conduit à s'interroger sur son rôle d'"historien de l'immédiat". Alors que Bernard Guetta lui rappelle ce grave fourvoiement cambodgien, qui nécessita après coup un mea culpa, soit "une erreur de neuf mois", Lacouture ne s'exonère pas: «Neuf mois, quand on se prétend historien de l'instant, c'est beaucoup!» Sur le même degré de franchise, la période de la guerre d'Algérie apporte son lot de révélations sur le fonctionnement interne du journal Le Monde et rappelle qu'il n'y a pas si longtemps, dans ce pays-ci, le fait d'écrire obligeait à feinter. «Eh oui, dit Lacouture, la vérité est un matériau très inflammable. Mais, oui, elle peut être retenue...»
A travers ces échanges, qui dessinent l'arrière-scène d'un demi-siècle, s'impose l'évidence que la mission d'informer est plus que jamais une profession. Qui suppose d'assumer ses responsabilités. C'est ce que les tenants du journalisme citoyen devraient méditer.