Ils avaient le sourire, hier après-midi, sur le perron de l’Elysée, Bernard Thibault et François Chérèque. Cependant, ils se refusaient à prononcer le mot de “victoire”, même si, pour le secrétaire général de la CGT, il y a “incontestablement, des avancées” et qu’un “premier pas a été fait”. Nonobstant, c’est un tournant important dans les concertations sur le dossier des retraites, pierre angulaire du quinquennat de M. Sarkozy, et surtout, une issue pour le moins inattendue ; reste que, pour les salariés le “prix risque d’être lourd à payer” concédait pour sa part le secrétaire général de la CFDT.
C’est donc jeudi, suite au succès de la journée d’action interprofessionnelle, que tout s’est joué. Le ministre du Travail, Eric Woerth, convoquait les partenaires sociaux où “tout a été mis sur la table” et, précise-t-il, “sans tabou”. Une réunion de travail qualifiée de “cordiale” et de “constructive” par les syndicats, au sortir de laquelle, il fut acté qu’on ne toucherait pas "au “dogme” de la retraite à 60 ans.
“Nous avons toujours dit, explique M. Woerth, qu’à un problème démographique – l’allongement de l’espérance de vie – convenait une réponse démographique. Nous n’avons pas changé de position. Simplement, nous avons entendu les français. Ils ne souhaitent pas un report de l’âge légal de la retraite. Il nous fallait donc trouver une autre solution, de type démographique, et nous l’avons trouvée”.
Ce sera donc un abaissement progressif de l’espérance de vie des français.
Une mesure choc, sans précédent, dont les modalités restent à définir.
“Il faut notamment, déclarait Bernard Thibault, mettre en place la reconnaissance de la pénibilité. On ne peut pas, en effet, baisser de la même façon l’espérance de vie d’un cadre ou d’un ouvrier !”
”La baisse de l’espérance de vie de nos compatriotes était inévitable”
”Les concertations ne sont pas terminées” confirmait Arnaud Robinet, secrétaire d’Etat national de l’UMP chargé du dossier des retraites. “Rien n’est tranché” ajoutait-il. Précisant qu’”aucune décision n’avait été prise sur le niveau auquel serait abaissé l’espérance de vie des français” même si, déjà, on évoque une baisse de deux ans à compter du 1er janvier 2011, et de 5 à l’horizon 2020.
”La baisse de l’espérance de vie de nos compatriotes était inévitable” a pour sa part martelé Xavier Bertrand, secrétaire général de l’UMP. Quant à ceux qui dénoncent un recul du gouvernement, M. Bertrand rappelle que celui-ci s’est “engagé, depuis le début, à discuter sans tabou, avec les partenaires sociaux. A quoi aurait servi la concertation, si le gouvernement avait annoncé d’emblée ses choix ? A-t-il demandé. Il n’y a donc pas de recul, il y a simplement un gouvernement à l’écoute des français qui sait prendre ses responsabilités”.
Du côté du Parti Socialiste, M. Strauss-Kahn a été le premier à réagir. Depuis le siège du FMI, il a réitéré ses propos tenus, le 21 mai dernier sur le plateau de l’émission “A Vous De Juger” (France 2) :
“Comme je l’avais dit ce soir-là, dès lors qu’on arrive à vivre cent ans, si on veut continuer à avoir la retraite à 60 ans, il faut bien trouver des ajustements. Baisser l’espérance de vie faisait effectivement partie de ces ajustements.” Ajoutant, au passage, qu’il se "félicitait que M. Sarkozy n’ait finalement pas touché à cette grande avancée sociale (la retraite à 60 ans – N.D.L.R.) qu’avait, en son temps, décidé le président Mitterrand.”
En revanche, Martine Aubry a tiré à boulets rouges sur le gouvernement, dénonçant “une mesure injuste” et promettant “de rétablir l’espérance de vie des français en 2012, si les socialistes revenaient au pouvoir”. Quant au porte-parole du PS, Benoît Hamon, il a estimé que “les masques étaient tombés” fustigeant l’attitude ”irresponsable” des syndicats, allant même jusqu’à parler de “trahison”. “Qui nous fera croire, qu’il y a là une quelconque justice sociale ? Déclarait M. Hamon. Qui nous fera croire que baisser l’espérance de vie des salariés est une mesure équitable ? Et qui nous fera croire que les cadres et les ouvriers seront égaux devant l’abaissement de l’espérance de vie ?”.
Si les syndicats, CGT et CFDT en tête, ont regretté l'attitude affichée par M. Hamon et Mme Aubry, insistant sur le fait que "le point essentiel était de conserver la retraite à 60 ans et que ce point-là était obtenu", Frédéric Lefebvre, porte-parole de L’UMP, a immédiatement dénoncé l’”archaïsme, le sectarisme et l’irresponsabilité du Parti Socialiste” osant même dire que “pour être tranquille, je me demande si nous ne devrions pas d’emblée, abaisser drastiquement l’espérance de vie de certains dirigeants socialistes” [*]
Reste que cet abaissement de l’espérance de vie des français doit être validé par le Conseil Constitutionnel. Mais celui-ci ayant retoqué quelques lois précédentes, ou réclamé quelques modifications (HADOPI, Burqa ...) il est possible qu’il se montre plus conciliant sur ce dossier qui “engage l’avenir de nos enfants et la pérennité de nos régimes de retraites” (source anonyme)
On attend désormais la réaction de la blogosphère, qui, déjà, se tourne vers Maître Eolas, afin de savoir si cet abaissement de l’espérance de vie des français est compatible avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
[*] D’après le Canard Enchaîné à paraître mercredi prochain, Nicolas Sarkozy aurait fait part de son agacement suite à la déclaration du porte-parole de l’UMP : “Ce Frédéric Lefebvre, la prochaine fois, que je le croise, c’est pas un “casse-toi pauvre con !” ou un “fais pas le malin !” que j’vais lui dire, mais : va mourir !” aurait-il confié à l’un de ses proches collaborateurs.