Carthage
Sous un épais linceul de poussières tragiques,De temples écrasés et d’ossements épars,
La grande Morte, étoile des cités puniques,
Repose en son néant de ruines, de remparts.
Carthage ! Oh ! qui dira la force évocatrice
Attachée à ton nom, jadis si redouté !
De ton sol, qu’éventra la main profanatrice
Des amants du Passé, surgit l’Antiquité.
Là-bas, dans le lointain des champs baignés de lune,
Voyez-les se lever : Barbares et guerries,
En tumulte de fer, jusques à la lagune
Ils descendent, heurtant leurs épais boucliers.
Des hoplites, la masse ondule en larges ondes ;
Les Gétules bronzés, brandissent les épieux ;
Les ligues, mi-nus, font tournoyer leurs frondes,
Tous, maculés de sang, sont beaux comme des dieux.
Dans un rayonnement de béryls, de topazes,
Apparaît Salammbo : les trésors de l’Ophir
Constellent son sein nu sous la brume des gazes ;
La nuit de ses cheveux s’étoile d’un saphir.
Et, tout autour de nous, du fracas de la lame,
Des gouffres se creusant en les flots d’indigo,
Du sein des vieux tombeaux, la voix des siècles clame
Les mots du vieux Romain : Delenda Carthago