La loi de la Nature. “Dès que l’on quitte les...

La loi de la Nature.

“Dès que l’on quitte les terrains défrichés, ou un sentier, ou une route, lorsque l’on sort d’un endroit taillé, labouré ou dessiné par un être humain pour passer dans les bois, il faut laisser derrière soi une partie de son être. C’est cette perte soudaine, me semble-t-il, davantage que la difficulté de marcher dans les broussailles, qui retient les gens sur les sentiers. Dans les bois, il n’y a pas de droit chemin, pas de piste à suivre sinon la loi de ce qui pousse. Il faut laisser derrière soi l’idée que tout va droit. Regarder simplement autour de soi. Voilà comment sont les choses. De travers, tombées à terre, fendues à la racine. Ce qui pousse le mieux se fait aux dépens de ce qui est en-dessous. Un bouleau blanc se nourrit de la pulpe d’un vieux sapin d’un Canada et soutient la vigne vierge qui l’étouffera peu à peu. Dans le bois mort d’un autre arbre, des champignons aussi noirs que les sabots du diable. Au-dessus de nous le dôme de verdure, de grands pins qui sifflent, frémissent et empêchent la lumière d’atteindre leurs propres branches basses.”

Louise Erdrich, Ce qui a dévoré nos coeurs.

Spéciale dédicace à plusun:

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