Divin frelon / divine hornet

Publié le 28 mai 2010 par Ziril


[IN ENGLISH] Avec ma réputation grandissante de globe-trotter, il ne se passe pas de jours sans qu’un de mes nombreux amis ne me demande : « Toi qui a pêché aux quatre coins du monde, quel est donc ton souvenir le plus marquant ? » La réponse se fait rarement attendre. Sans aucun doute, le voyage dont la mémoire continue d’enchanter mes vieux jours est sans conteste celui que je fis en 19… sur les bords de L’Ausable River (prononcez O’Saybol) dans le Nord de l’état de New York, à la frontière des Adirondacks. Il faut vous dire pour commencer cette histoire que d’avoir la chance de loger dans la fameuse auberge de Jo-Ann Wiener et de son époux relève du tour de force. Cet hôtel est réservé toute l’année et pour cause. Difficile d’imaginer lieu plus romantique et excitant que cet établissement isolé sur les bords de  cette rivière mythique, dans un cadre de rêve à deux faux lancers d’un des plus productifs pool de la côte Est des Etats-Unis. La chambre qui m’était destinée était un rêve. Située  au 2 ème étage avec une vue magnifique sur la rivière, elle aurait rendu fou de jalousie tout pêcheur qui se respecte. Bref, j’avais une sacré chance d’être là début Septembre quand les éclosions de Mahagony Drake rendaient les truites folles. La chambre était simple, d’un goût exquis et je m’apprêtais à ouvrir ma valise quand mon oeil fut attiré par un objet volant devant ma fenêtre, objet que rapidement j’identifiais. Horreur ! Il s’agissait d’un frelon. Mais pas un frelon de chez nous, brave et enjoué. Non ! C’était un frelon du type « Américain ». Un frelon obèse avec un sourire fourbe et des incisives de vampires dépassant de ses lèvres grasses. Plein de frayeur légitime, je dégringolais l’escalier pour  informer Jo-Ann du danger. « Don’t worry, frenchy, me dit elle, Ulrich va s’en occuper ». Effectivement, de retour dans ma chambre, J’entendis Ulrich adosser une grande échelle sur la façade de l’auberge et muni d’une bombe aérosol du type « Fuck frelon », il en gravit les échelons. Ulrich était loin d’être un individu aimable. Pour tout dire, c’était tout le contraire. Il jurait du matin au soir et c’était des chapelets d’obscénités qui s’échappaient de sa trogne  engageante comme un sous- marin russe. Et l’odeur en plus… Bref, arrivé au dernier barreau de l’échelle, juste sous le débordement de la toiture, il se mit à asperger le nid de frelons. J’aurais été un frelon, j’aurais eu du mal à accepter d’être gazé et insulté par un Allemand. Aussi, ce fût sans surprise qu’un de ces insectes, sans doute le moins crétin de la bande, échappant à une mort atroce, s’éclipsa de la ligne de visée d’Ulrich et quand celui-ci ouvrit la bouche pour éructer « Motherfucker ! », le frelon se rua dans ce gouffre puant et vida son venin au fond de la glotte du pauvre homme. L’atterrissage sur le sol fut violent et  osons même le dire : définitif. La tête du mari de Jo-Ann ressemblait à un pot renversé de gelée de groseille « Bonne maman ». Inutile d’appeler l’hôpital mais plutôt un bon menuisier pour confectionner un  cercueil à la taille du pauvre bougre, ce que  Jo-Ann fit sans tarder. La veillée d’une dépouille n’est jamais une partie de rigolade et, afin de rendre la chose moins pénible, Jo-Ann déboucha une bouteille de Bourbon, puis une seconde… C’est vers trois heure du matin qu’elle se jeta dans mes bras en me susurrant à l’oreille : « Mein Liebchen…enfin libérée de ce gros porc d’Ulrich…prend moi, beau français…non, non…retire d’abord tes waders ! ». Malgré l’odeur entêtante et vulgaire émise par le cadavre d’Ulrich, la fin de la veillée fut mouvementée et  signe sans équivoque de la réconciliation franco-allemande. Et comme se plaisait à dire notre Maître , le grand philosophe CIORAN: « On meurt toujours et cependant la mort n’a rien perdu de sa fraîcheur. » [IN ENGLISH]

With my growing reputation as a globe-trotter, a day doesn’t pass without one of my innumerable friends asking: « You, who fishes in the four corners of the world, what is your most memorable souvenir? » Without skipping a beat I answer: no doubt about it, the most enchanting memory of my old age, is the trip I took in 19– to the L’Ausable River in upstate New York near the Adirondacks. Before telling you the story, I should mention that was a bit of luck to stay in the famous hotel of Jo-Ann Wiener and her husband . The hotel is always reserved, all year long… and with good reason. It’s difficult to imagine a place more exciting and romantic than this hotel at the edge of a mythic river, in a dream setting, just two false casts from the most productive pools on the east coast of the United States of America. The bedroom reserved for me was also a dream. It was on the second floor with a magnificent view of the river; any respectable fisherman would have been rendered crazy with jealousy. To cut a long story short I was really lucky to be there at the beginning of September when the eclosions of the Mahagony Drake drives the trout totally nuts. The room was simple, of an exquisite taste. I started to unpack my luggage when I caught sight of a flying object outside the window; I rapidly identified the object. Horror! It was a hornet. But not a hornet like the french hornets, valorous and cheerful. No! It was an American hornet; obese, with a treacherous smile and vampire fangs that hung below greasy lips. With real, legitimate, fear, I raced down the stairs to tell Jo-Ann of the danger. « Don’t worry, frenchy, she said, Ulrich will take care of it. » And effectively, on returning to my room I heard Ulrich slam a big ladder against the building and, armed with an areosol bomb of the sort « Fuck Hornet », he climbed the ladder. Ulrich was far from being a « nice guy ». To tell the truth he was quite the contrary. An incredible string of obscenities flowed from his mug morning to night, like a Russian sailor in a submarine; and he smelled like one too.  Well, arriving on the top rung of the ladder, just under the roof, he began spraying the nest of hornets. If I was a hornet I would have had a hard time accepting the gas and insults of this German. So, it was not surprising that one of these insects, probably the least stupid of the band, escaped an atrocious death, slipping out of Ulrich’s line of aim.  When Ulrich opened his mouth to burp out « motherfucker », the hornet rushed into the smelly abyss, descended, and released his venom in the larynx of the poor man. The landing on the ground was violent and I dare say: definitive. The head of Jo-Ann’s husband resembled an overturned jar of « Bonne Maman » marmelade, raspberry. Useless to call the hospital; better to call a good carpenter to prepare a coffin for the poor guy, that which Jo-Ann did without delay. The wake for a corpse is never a joke, so to lighten things up Jo-Ann brought out a bottle of Bourbon, than another… it was about three o’clock in the morning when she threw herself into my arms whispering in my ear: « Mein Liebchen… finally liberated from that big pig Ulrich… take me, my lovely frenchy… no, no… remove your waders first! »In spite of the heady and vulgar odor given off by the cadaver of Ulrich, the end of the wake was eventful with unequivocal signs of Franco-German reconciliation. And, as the great philosopher, our master Cioran like to say: « We all die, never the less, death  has lost nothing of it’s freshness. »