Tout semble un conte de fée au départ de ce roman que j’aime mais on est aussi à mille lieues du roman à l’eau de rose, même si, à la base du récit, il s’agit de l’éternel trio : le mari, la femme et cette autre dont on est amoureux fou.
Rien n’est cependant aussi simple ici et la morale est sauve car tous s’en sortent dignement, même et peut-être surtout la jeune mariée qui semble si fade et naïve au départ et dont la force silencieuse transforme en fin de compte leur destin à tous . Newland Archer, jeune homme bien né, plein de qualités, sérieux et séduisant, est l’heureux fiancé de May Welland, jeune, riche, sage, docile et ravissante jeune fille d’excellente famille new yorkaise.Un soir de grand opéra, toutes les jumelles sont braquées sur une nouvelle venue dans la loge familiale de May, il s’agit de Mme Olenska, une jeune comtesse très séduisante, aux bras scandaleusement dénudés. C’est une femme indépendante, intelligente et cultivée qui a longtemps vécu en Europe avec son mari mais qui veut divorcer pour retrouver sa liberté or, en 1880, sa famille américaine ne peut accepter cette décision. Elle fait bloc autour d’elle pour l’introduire dans la bonne société. Elle lui imposera en contrepartie les usages très stricts de ce milieu encore très puritain où tout le monde s’épie et se contrôle. Très vite la jeune comtesse se sentira à nouveau mal à l’aise, comme un oiseau en cage. Cependant, Newlanden tombe éperdument amoureux tout en pressant sa fiancée d’avancer leur mariage pour éloigner le danger de l’infidélité !Le reste est le récit de cet amour contrarié pendant toute une vie.C’est un livre superbe qui décrit magnifiquement l’atmosphère de l’ancienne New York, celle du puritanisme et des nouveaux riches, à la fois frivoles et implacables. Newland, le héros, est à l’image de sa ville, à la croisée de deux aspirations, la vraie grande liberté individuelle et le respect des traditions et des conventions sociales encore si bien enracinées en lui.« Edith Wharton a écrit ce livre en 1920 alors qu’elle vit à Paris, rue de Varenne, où elle s’est installée juste avant la guerre. Elle se remet d’intenses tristesses : la séparation, inévitable, d’avec un mari neurasthénique, les horreurs de la guerre, la mort de plusieurs amis dont Henry James avec qui elle avait une relation privilégiée. » (Diane de Margerie, préface).Martin Scorsese en a tiré une brillante adaptation avec Daniel Day-Lewis, Michelle Pfeiffer, Winona Ryder « Le Temps de l’innocence est une fresque intimiste et sensible, sur une société où les émotions sont cachées, invisibles, refoulées, et où les personnages se voient contraints d’accumuler les actes manqués. Des thèmes que Scorsese connaît bien, comme le sentiment de culpabilité, la répression du désir et l’amour insatisfait. Fidèle au texte et à l'esprit du roman , c’est un film subtil, intelligent et raffiné. Le New York de la fin du XIXe siècle est somptueusement recréé, ayant fait appel à une historienne d'art qui, pendant près de deux ans et demi, recueillit des informations sur l'époque, les décorations et les costumes. Les dialogues sont brillants, à l'image du roman.» Il me reste à voir ce film à tout prix
Le temps de l’innocence, Edith Wharton, (GF-Flammarion, 304 pages) Traduit de l’anglais par William R. TylerTitre original : The Age of Innocence