Près d'un million de manifestants (beaucoup moins selon la police) se sont rassemblés un peu partout en France. La réforme des retraites énerve. Nicolas Sarkozy joue à un mauvais cache-cache. La concertation initiée en janvier n'a trompé personne. Sur un sujet que Sarkozy a voulu présenté comme d'intérêt national et aus-dessus des clivages, deux visions s'affrontent. A gauche, on aimerait parler répartition de l'effort de financement. A droite, on est coincé dans les tabous fiscaux du Monarque : pas touche aux riches !
Diviser
Les sondages concordent. Les Français interrogés sont défavorables à l'option défendue par le gouvernement. Ce dernier s'accroche à son nouveau slogan du «travailler plus longtemps» alors que l'emploi peine à redécoller. Dans le camp présidentiel, on fait feu de tous bois contre l'opposition. Il faut faire peur. La semaine dernière, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat à l'Emploi, a bien gaffé en accusant le Parti Socialiste de vouloir taxer l'intéressement et la participation d'un tiers des Français. Un argument repris par François Fillon. On devine que le discours a été rodé à l'Elysée. Encore faudrait-il rappeler que l'intéressement est déjà taxé comme un salaire. Et que la participation ne concerne qu'un petit 20% de nos concitoyens.
«Alors que le gouvernement n'a annoncé sa mesure principale, le décalage au-delà des 60 ans, qu'il y a 24 heures, la réaction est relativement rapide. (...) Le gouvernement a choisi la méthode la plus injuste en décalant l'âge de départ, du coup les salariés se sentent concernés, notamment ceux qui ont des travaux précaires ou pénibles», s'est félicité le timide François Chérèque (CFDT). Il a raison. C'est le signe d'une inquiétude, non pas tant sur les retraites que sur une mauvaise réforme. Le projet de loi sera présenté le 20 juin prochain en Conseil des ministres, puis son examen débutera en septembre à l'Assemblée Nationale. Eric Woerth a confirmé le calendrier : «toujours est-il que la réforme se mettra en place dès 2011. Cette réforme ne concernera néanmoins pas dans l'immédiat les salariés des régimes spéciaux, notamment de la SNCF». En isolant les régimes spéciaux du reste de la réforme, le gouvernement joue un joli coup : il se protège de grèves trop importantes, comme en 1995, et clive le pays suivant une ligne de partage qu'il affectionne particulièrement.
Effrayer
Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, s'est distingué cette semaine. Mercredi, il a proposé d'équiper les policiers municipaux en Taser après la fusillade du jeudi 20 mai qui coûta la vie à une jeune policière à Villiers-sur-Marne. Jeudi matin, il confirmait avoir signé le décret Taser: «il y avait un obstacle juridique à ce que les polices municipales soient équipées de pistolets à impulsions électriques, c'est-à-dire en clair, pour l'essentiel, les Taser. Cet obstacle juridique est désormais levé puisque ce (jeudi) matin a été publié un décret que j'ai signé il y a quelques jours, permettant aux communes ayant des polices municipales de s'en équiper».
Que peut le Taser contre des armes à feu ? Les policiers ne sont pas dupes. «C'est se foutre de notre gueule», a expliqué Patrice Masante, du syndicat SNPM-CFTC. «Le Taser est un gadget ! Il faudrait plutôt que le ministère oblige tous les policiers municipaux à être armés». Le même jour, Nicolas Sarkozy n'avait pas de mots assez durs pour fustiger facilement, médiatiquement, opportunément, les auteurs du meurtre de la policière: «Les meurtriers d'Aurélie Fouquet, je le dis devant son cercueil, seront punis avec la sévérité qu'exige l'ignominie de leur crime (...) L'enquête est en cours, un suspect a été arrêté, un autre formellement identifié. Que nul n'en doute, la police dispose des éléments qui permettront d'interpeller tous les membres de cette bande de lâches assassins, tous. » On appelle cela faire de la politique sur le dos des morts.
Le ministre de l'intérieur a également présenté son fameux plan Tranquillité Sénior au Conseil des Ministres de mercredi. Sa mise en place est annoncée pour le 1er juillet prochain. Hortefeux doit aussi travailler sur un «renforcement des peines réprimant les actes de délinquance les plus graves commis contre les personnes âgées ».
Lâcher
Autre gaffeuse, Fadela Amara. La secrétaire d'Etat à ... (la Ville ?) ne sait toujours pas pour qui voter. On la comprend. Jeudi, Fillon a annoncé le report à 2011 de la réforme de la politique de la Ville, et notamment en faveur des banlieues. Le premier ministre a aussi gelé une proposition phare de Fadela Amara de recentrer les aides sur les quartiers les plus pauvres. La secrétaire d'Etat peut être déçue. Depuis mai 2007, on ne sait pas vraiment à quoi elle sert. Ministre de Nicolas Sarkozy, elle se déclare tentée par Dominique Strauss-Kahn. Ce dernier fait un carton dans les sondages, auprès de l'électorat de droite. CQFD ? «Je trouve que Dominique Strauss-Kahn a des positions qui sont plus proches des miennes sur certains sujets, pas sur tous.» Bernard Kouchner aurait les mêmes états d'âmes. Incroyable?
Cacher
Il n'a pas 25 ans mais une biographie sort déjà en librairie. Il est l'un des fils du Monarque. L'éditeur a raison. Depuis l'affaire de l'EPAD, incroyablement mal gérée par Sarkoz-père, Jean Sarkozy s'est fait discret mais fait vendre. «Il est plus dans la réflexion, il ne veut pas que ses actes portent atteinte à son père et ses proches» explique un conseiller général Nouveau Centre des Hauts-de-Seine. Le fiston est surtout coaché par Claude Guéant, qui lui prépare des notes techniques pour ses assemblées départementales. La monarchie se met en place. Plus troublant est une autre révélation : Jean Sarkozy aimait jouer au football avec Yvon Colonna, plus tard condamné pour l'assassinat du préfet Erignac en Corse.
Tarder
François Fillon a annoncé que les misérables 450 euros d'allocations mensuelles et exceptionnelles pour les chômeurs en fin de droits qui (1) n'auraient pas refusé les offres de reclassements et/ou de formation proposées, et (2) se retrouveraient sans le sou, seraient versés à compter du 1er juin prochain. Le chômage s'est envolé depuis l'automne 2008. Les premières catégories frappées furent l'intérim et les contrats à durée déterminée, et ce dès avril 2008. Dès novembre 2009, les syndicats s'inquiétaient du nombre de fin de droits. Nicolas Sarkozy et François Fillon ont attendu 6 pour discuter du problème, et encore 3 mois pour mettre en oeuvre quelque chose.
Communiquer
Il y a 10 jours, le gouvernement avait fait fuité dans les médias ses engagements pour les retraites, avant même de les transmettre aux partenaires sociaux. Concertation ... ou manipulation ? Eric Woerth teste et prépare l'opinion en dévoilant par petites touches et médias interposés ses propositions.
Crédit illustration FlickR CC
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