Il faut bien le dire, je ne suis jamais allé en Inde. C’est un pays que je découvre peu à peu au travers des romans avant de m’y rendre un jour, comme une sorte de préparation au voyage. Dans ce billet, je vais vous parler de l’Inde que j’ai pu lire à travers 4 romans. Cette sélection est totalement arbitraire et correspond simplement aux plus marquants que j’ai lu (ou presque
1) The God of Small Things / Le Dieu des petits riens, d’Arundathi Roy
Si j’ai écrits le titre en anglais d’abord, ce n’est pas pour me la péter, c’est parce que c’est un roman que j’ai lu en anglais. Ce roman est le seul et unique d’Arundhati Roy : interrogée sur ce qu’elle allait écrire ensuite, elle a simplement répondu “Je n’ai rien à ajouter”.
L’action se déroule dans la province la plus au sud de l’Inde, le Kérala. Deux jumeaux – Rahel, la soeur et Estha, le frère prostré devenu muet – se retrouvent après plus de 20 ans de séparation. Le lecteur sait dès le départ qu’il s’est passé un drame l’année de leur séparation, en 1969, ce qui confère une tension permanente au livre. Le lecteur revient par flashbacks au cours de cette année là, alors qu’ils n’avaient que 7 ans et que leur vie a basculé.
L’auteur raconte ainsi la société indienne, les castes, le communisme et les mutations politique du pays…et aborde les configurations les plus taboues de l’amour : l’amour entre une “touchable” et un “intouchable”, l’amour incestueux des jumeaux.
Le style est particulièrement original : le roman est raconté avec des mots d’enfants qui rendent le récit touchant. Par exemple, le limonadier devient le “Orangedrink Lemondrink man” (ou l’Homme-Orangeade-Citronnade en français).
Malgré la férocité de l’intrigue, c’est le roman peut être le plus optimiste que j’ai lu sur l’Inde (c’est vous dire pour les autres !
Editions Flamingo,1997, 339 p.
2) L’Equilibre du monde de Rohinton Mistry
Ohhhhhhh, ce livre. Je l’ai commencé, je ne l’ai pas lâché, mais qu’il est dur, qu’il est cruel….
L’histoire se déroule entre 1970 et 1980. Elle se concentre sur quatre personnages : Dina Dalal, jeune veuve qui, pour survivre, se lance dans la confection à domicile et partage son petit appartement de Bombay (la seule richesse qui lui reste) avec deux intouchables, Ishvar et Omprakash et Maneck, un jeune étudiant loin de ses parents.
Ce roman m’a fait le même effet que L’Assomoir de Zola : on a l’impression qu’ils vont s’en sortir, et en fait non, ils se font juste écraser comme des mouches, broyé par un système politique corrompu contre lequel ils ne peuvent rien.
Au-delà de questionner le système social du pays (la place des intouchables dans la société, les castes, mais aussi le rôle des femmes encore totalement dépendantes des hommes), ce roman dénonce le système politique et sa corruption. En 1975, l’Etat d’urgence est déclaré par Gandhi. Les opposants sont massacrés, des gens stérilisés contre leur gré et c’est tout cela aussi qui est dépeint dans la fresque bouleversante de l‘Equilibre du Monde.
Editions Livre de poche, 1994 (première publication), 880 p
3) Le Tigre Blanc, d’Aravind Adiga
Là aussi, quelle cruauté ! Tellement dur que j’ai eu du mal à le finir.
Dans une lettre au Premier ministre chinois en visite en Inde, un indien issu d’un milieu misérable raconte son histoire, celle d’un “homme à demi-cuit” qui finit par faire fortune en se servant du cadavre de son maître comme marche-pied social.
Portrait au vitriol de l’Inde contemporaine, Le Tigre Blanc s’attarde particulièrement sur la corruption qui gangrène la société : l’instituteur du village natal du héros détourne l’argent de la cantine et revend les uniformes des élèves au marché noir, les notables locaux votent à la place des gens et quand un fou tente de pénétrer pour la première fois de sa vie dans le bureau de vote, il se fait rouer de coups…
Le héros est à la fois répugnant et attachant : il tente par tous les moyens de s’extraire de sa condition mais il reste le symbole d’une Inde qui n’a qu’un vernis d’éducation et de l’ambition à revendre. La rebéllion des Ténèbres contre ceux qui vivent dans la Lumière.
Là aussi, ce premier roman a été salué par un Booker Prize en 2008.
Collection 10-18, 2008, 318 p.
4) Les feux du Bengale, d’Amitav Ghosh
Bon alors là, ça va aller vite. J’avais lu un roman magnifique d’Amitav Ghosh sur la Birmanie, le Palais des Miroirs. J’ai donc acheté celui-ci les yeux fermés. Et bien, je l’ai trouvé tellement mauvais qu’il m’est tombé des mains assez vite : peut-être à la 30è page.
Je laisse donc la parole à Rat de biblio pour le pitch : Alu, enfant orphelin, silencieux, liseur, est accueilli par son oncle instituteur, président du club des adeptes de la phrénologie et grand admirateur de Louis Pasteur. L’oncle voit dans Alu un talent de tisserand et il le met en apprentisssage chez un vieux tisserand du village. On participe à la vie d’un village indien avec ses rites et coutumes, avec ses oppositions, entre partis qui vous forcent à choisir : ou bien Pasteur, les germes et la pureté basés sur des seaux de phénol; ou bien la ligne droite, la modernité par des routes asphaltées.
En conclusion : j’ai bien conscience que ces portraits de l’Inde sont romancés et qu’ils forcent les traits négatifs de la société pour en faire des objets de littérature. J’ai également conscience que plein de choses ne vont pas chez nous et je ne cherche pas à balayer devant la porte du voisin par une quelconque revendication politique.
Il me semble que l’Inde est un pays clivant : il y a ceux qui ont envie d’y aller et les autres. J’étais plutôt dans la seconde catégorie et je me suis dit que cette première approche du pays me ferait peut-être changer d’avis. Et bien pour l’instant, ce n’est pas le cas.