Frédéric Beigbeder, auteur bien connu pour son roman 99F (sorti en 2000 et rebaptisé 14,99 euros depuis le passage à l'euro), révèle dans son dernier livre, Un roman français, les événements de son enfance et de sa vie d'adulte jusqu'à ce qu'il se retrouve en garde à vue un soir d'hiver à Paris, après avoir sniffé de la poudre illicite sur un capot de voiture.
Cette garde à vue est en réalité un prétexte pour recoller les morceaux de son histoire personnelle et se remettre en question. Mais est-ce convaincant ? Ce court roman (qui se lit très vite), vu comme une thérapie, peut paraître un peu léger, et parfois l'impression d'assister à un déballage aussi superficiel que narcissique (dans son ensemble) de la jeunesse du petit Frédéric, traumatisé par le divorce de ses parents, restait fortement présente.
Freud doit se frotter les mains là-haut puisque de nombreuses pathologies (instabilité affective, toxicomanie, incapacité de livrer ses sentiments) développées par Beigbeder dans sa vie d'adulte viennent d'après lui de son enfance, de sa relation avec sa mère ainsi que de son éloignement avec son père.
L'enfant gâté ne supporte pas l'enfermement et on peut aisément le comprendre, une garde à vue de 48h dans une sorte de cachot, c'est insoutenable. D'ailleurs, quand Beigbeder se met à parler de l'état insalubre des prisons françaises, il devient meilleur et plus intéressant.
Sinon, ce n'est que le récit d'un petit bourgeois gâté par des parents aimants qui ont divorcés, comme tant d'autres, et qui se révolte à 40 ans en se droguant et en vivant comme un oiseau de nuit, parce qu'il n'a pas eu de jeunesse...
Comment juger de cela me direz-vous ? Je ne le connais pas personnellement, ce n'est qu'un livre, et il s'agit de sa propre perception. D'ailleurs il le dit lui-même : «Ce qui est narré ici n'est pas forcément la réalité mais mon enfance telle que je l'ai perçue et reconstituée en tâtonnant». Et là se pose aussi la question de l'autobiographie, la part de réel et de fiction qu'un auteur peut y mettre. Une autre point abordé par le genre autobiographique touche à la place du lecteur dans ce type de récit. Qui sommes-nous pour juger de le vie des autres ?
Mais dans l'un des derniers chapitres, intitulé Bilan, l'auteur donne tous les arguments expliquant le pourquoi du livre, détruisant alors l'impact de son récit. Car c'est comme si tout à coup Beigbeder avait eu besoin de se justifier, comme s'il n'était pas sûr de lui. Comme s'il s'attendait à recevoir des commentaires désobligeants. À la limite, comme s'il s'était rendu compte que son récit n'était pas si passionnant...
J'étais prête à lui pardonner certaines maladresses jusqu'à ce chapitre qui m'a presque mise en colère.
«Certes, ma vie n'est pas plus intéressante que la vôtre, mais elle ne l'est pas moins.»
Sur ce point, il n'a pas tort. Mais on peut rendre passionnante une vie inintéressante, surtout quand on a du talent, ce qu'il a de façon indéniable. Mais le récit de sa vie m'est à plusieurs moments passé un peu au dessus de la tête, car je dois le dire : la vie des gens riches et célèbres ne m'intéresse que peu.
Ce dernier chapitre rend par ailleurs un vibrant hommage à sa famille, faisant d'Un roman français un roman plein de contradictions...
«Si ce livre a une chance sur un milliard de rendre éternels mon père, ma mère et mon frère, alors il méritait d'être écrit. C'est comme si je plantais dans ce bloc de papier une pancarte indiquant : « ICI, PLUS PERSONNE NE ME QUITTE».
Aucun habitant de ce livre ne mourra jamais.»
Seuls ces passages où il parle réellement de ce qu'il ressent pour ses parents, son frère, et sa fille m'ont vraiment touchée. Sa maladresse et sa détresse ressortent alors pleinement et sincèrement. Ce dernier chapitre (Épilogue), en particulier, où il se promène sur la plage avec sa fille, transcende tout le reste du livre...
La critique des Inrocks
La critique du Point
Le prix Renaudot
En écrivant ceci, j'écoute I Am Oak, On Claws (Snowstar, 2010)