La Toile de gauche se déchaîne, aujourd'hui : invitation générale à la grève. On y relaie les propositions délirantes du Front de Gauche, on se fait le porte-parole des Socialistes, on rappelle à Sarkozy ses engagements (sur ce point, on n'a pas tort, d'ailleurs), on évente les possibles calculs de l'actuelle majorité, on dénonce un complot capitaliste destiné à privatiser les retraites et à faire disparaître le service public, on refuse d'admettre que l'espérance de vie s'accroissant, il faudra bien trouver un remède à nos retraites agonisantes ; il n'est pas jusqu'aux écolo-démocrates de Cap21 chez lesquels on ne s'échine à voir dans l'âge de départ une vile tromperie.
Et pourtant, quelle erreur ! Quel manque de perspicacité. D'aucuns croient voir dans le report de l'âge légal de la retraite un enjeu. Mais non voyons ; tenez, prenons mon cas. Comme beaucoup d'étudiants de ma génération qui ont suivi des formations plus ou moins longues après le bac et ont fait leur service national, j'ai commencé, en dépit de petits boulots, à travailler sur le tard, aux alentours de 26 ans. J'ai déjà calculé qu'il me faudrait cotiser au moins 42 annuités pour avoir ma pension à taux plein. Cela signifie qu'il me faut tabler travailler jusqu'à 68 ans. Alors franchement, que l'on recule l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, je m'en tape. Peuvent être concernés ceux qui ont commencé à bosser très tôt. Ce sont souvent les ouvriers, pour lesquels justement la pénibilité du travail va être reconnue.
Les syndicats ont tout faux. A 100%. Ce n'est pas sur l'âge de départ à la retraite qu'il faut se battre, mais sur l'aménagement des fins de carrière, et, plus généralement, dans un univers professionnel de plus en plus stressant et éprouvant, sur les conditions de travail. Je crois que c'est là l'un des principaux enjeux, et surtout l'un des seuls leviers sur lesquels une politique volontariste puisse agir. C'est bien pour cela que le MoDem en a fait l'un des huit axes de ses propositions.
La question centrale, au fond, aujourd'hui, et la classe politique bute dessus sans parvenir à s'en dépêtrer, c'est celle de l'emploi et du travail. Théodore Zeldin déclarait dans le livre d'entretiens de Karim-Émile Bitar, Regards sur la France, que le véritable défi de la France et de nos sociétés modernes, c'était de modifier notre rapport au travail. C'est d'ailleurs l'objet de sa fondation, Oxford Muse. Sa fondation précise ainsi :
« If people are soon likely to spend more years in retirement than at work, what will happen? Who will pay their pensions? »... eh oui...Il faut donc leur trouver des motivations pour poursuivre leur activité professionnelle. Ceci ne peut s'envisager que dans un environnement de travail adouci et apaisé.