La case 58

J’ai connu l’époque de l’absence réelle d’organisation médicalisée des secours à personne en dehors de la sphère hospitalière. C’était au petit bonheur la chance, selon les lieux, les infrastructures locales, les engagements personnels de quelques uns …
Tout était possible le meilleur et le pire. Le médecin ne sortait pas de son hôpital, l’ambulancier privé était souvent en même temps garagiste ou bistrot, le pompier quittait sa scierie ou son échoppe pour rejoindre au plus vite la caserne. Il y avait de la “grandeur” et du panache dans ce bénévolat artisanal.
La multiplication des accidents, l’inflation galopante des demandes, surtout la miniaturisation des matériels de réanimation et la naissance d’une nouvelle catégorie de médecins les réanimateurs, et ensuite les urgentistes, avec l’essor d’une médecine plus précise et spécialisée ont radicalement modifié cette approche primitive.

C’est alors  la naissance des SAMU, de leurs structures de “régulation” pour essayer d’adresser le patient au meilleur endroi d’emblée. Les médecins réanimateurs puis urgentistes quittèrent l’enceinte stricte de l’hôpital pour aller le plus en amont possible faire bénéficier du progrès : époque enthousiasmante de la “construction” et du développement. Développement harmonieux, équilibré ,grâce le plus souvent, à la bonne volonté et au désir de s’entendre.

Mais les succès comportent leur propre destruction; loin de s’arrêter à des niveaux acceptables, l’inflation des demandes souvent exagérées, la judiciarisation des secours, la démission des médecins généralistes face aux urgences, l’offensive malveillante de certains, sont en train de mettre à mal ce que nous avions pas à pas construit ensemble.

La teneur des propos et des campagnes de presse qui se développent me font craindre que loin du bonus escompté, à l’image du jeu de l’oie, nous ne tombions sur “la case 58″, forçant au retour à la case départ.

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