Il fut un temps non loin de nous, un peu plus de 7 ans, où le rapport de force entre les entrepreneurs et les sociétés de capital risque était plutôt à l’avantage des premiers. La forme la plus spectaculaire était ces fameuses soirées ou journées où quelques créateurs présentaient leur projet en étant quasiment assurés d’avoir plusieurs propositions de financement pourvu que le business eut un rapport avec l’économie d’internet.
Depuis, le balancier ne s’est pas rééquilibré mais a réalisé un 360° au profit des organismes de financement en haut de bilan. Ce faisant, ces opérations de rencontre entre entrepreneurs et VC existent encore, mais nettement moins, et surtout avec beaucoup moins de frénésie.
Ce rapport de force inversé résulte du fait que dans la chaîne du financement de la création d’entreprises, le parent pauvre est sans conteste le financement des dépenses de faisabilité technologique et commerciale.
Cette étape est cruciale, puisque l’entrepreneur cherche des fonds pour finaliser son produit, pour concevoir le prototype voire déposer un brevet... et ce 1 à 2 ans avant de lancer véritablement la phase de commercialisation et de production (dans le secteur de la santé, du médicament, cela peut dépasser les 7 années avant d’être en mesure de commercialiser la solution).
Cette phase d’amorçage très risquée est peu appréciée par les sociétés de capital investissement, qui préfèrent financer des entreprises "matures" (capital développement) ou des opérations de transmission (capital transmission).
Ce faisant, combien y a- t’il véritablement de projets financés en phase d’amorçage ? 50,80,... moins de 100 probablement. Rapportée au nombre d’entrepreneurs en quête de financement, 500, 800, probablement plus de 1 000, la probabilité de réussite est faible.
Concernant la phase de lancement commercial et de production (phase de capital risque), elle aussi est délaissée. Malgré les chiffres d'investissements annoncés, se cache une autre réalité :
- beaucoup de financements dans cette phase ne concernent pas de nouvelles entreprises mais des re-financements. C’est-à-dire des sociétés qui ont déjà été financées et qui bénéficient d’un second tour de table.
- la phase de capital risque à la française est particulière, puisqu’elle ne correspond que peu avec la définition qui en est donnée généralement. En effet, la plupart des sociétés de capital risque, contrairement à ce que l’on pourrait espérer, demande à ce que l’entreprise dispose déjà d’un volant de chiffre d’affaires, avec une réponse classique : « nous ne sommes pas là pour permettre à l’entreprise d’évangéliser le marché, revenez nous voir lorsque vous aurez fait la preuve qu’il existe une clientèle ».
Les FCPI sont également dans cette démarche, avec une difficulté supplémentaire : en dessous d’un besoin financier inférieur à 500 000 euros, pour la plupart, vous ne les intéressez pas.
Ce qui, vous en conviendrez, limite fortement le nombre d’entreprises potentiellement éligibles.
Donc il y a véritablement un problème qui ne peut trouver sa solution que dans une politique destinée à augmenter l’offre de financement :
- En stimulant le nombre de business angels : là encore, les dispositifs fiscaux sont compliqués, peu lisibles et surtout peu incitatifs, car la plupart des mesures sont plafonnées.
Le dispositif Madelin est loin d’avoir révolutionné le financement de la création d’entreprises. Sinon, comment expliquer que la France dispose de 10 fois moins de business angels que la Grande Bretagne, comment expliquer qu’un pays comme le Japon où il n’existait quasiment pas de business angels, en 1 an, a réussi à en comptabiliser plus de 3000 et ce n’est qu’un début ?
Mais au Japon, un particulier qui investit dans une entreprise peut déduire la moitié du montant investi de ses impôts qu’il devra payer au titre de ses plus-values. En France, un couple marié pourra déduire au maximum 40 000 euros...
Il est vrai que, la loi TEPA permettant de déduire du montant de l'ISF, 75% des investissements réalisés va dans le bon sens, néanmoins l'ISF moyen en France est de 6 700 euros... Sauf à considérer que les 565 000 contribuables ISF vont tous financer des start up et que dans le même temps des dizaines de business angels vont financer un seul projet… La solution miracle n'a pas encore été appliquée pour financer des projets entre 80 000 et 300 000 euros.
- En stimulant les sociétés de capital investissement :
Visiblement, sur les trois dernières années, on remarque que les sociétés de capital investissement n’ont pas de difficultés pour mobiliser des fonds auprès de leurs souscripteurs.
Par contre, il existe un goulot d’étranglement entre les flux d’entrées (les sommes collectées) et les flux de sorties (les investissements).
Ce faisant, le financement des entreprises en phase de création ou de développement pour les PME n’est pas limité par un manque d’argent.
Ce n’est pas un problème d’offre de financement, mais plutôt un problème de distribution, d’allocation des fonds.
Alors peut-être que pour stimuler le sociétés de capital investissement il faudrait que ces structures gèrent pour le compte de l'Etat et des Conseil Régionaux des fonds publics destinés à financer la phase d'amorçage, avec en corollaire des exigences de rentabilité moins contraignantes.
Dans un souci de saine gestion, mais également de non gaspillage des fonds publics, il semble opportun que ce soient des financiers professionnels et donc des capitaux risqueurs qui gèrent ces fonds plutôt qu'au travers de nouvelles sociétés de capital risque 100% publiques.
S'il convient d'abaisser le niveau d'exigence et de rentabilité des sociétés de capital risque via la création d'un département "amorçage", il serait dangereux de supprimer toute référence à des notions de base qui sont :
- au minimum la préservation du capital investi,
- une rentabilité minimale recherchée.
Dans le cas inverse ces départements amorçage deviendraient des "monstres à subvention"... et là ma casquette de contribuable citoyen prendrait le dessus sur celle de Directeur de la Pépinière d'Entreprises de Narbonne.