Par La cité de l’architecture Le Global Award récompense chaque année cinq architectes qui partagent l’éthique du développement durable et ont construit, là où ils exercent, une démarche innovante, au Nord comme au Sud.
Snøhetta, d’Oslo à New York
L’histoire de Snøhetta commence en 1989 avec le concours de la nouvelle Bibliothèque d’Alexandrie, où l’on voit le jeune leader d’une agence norvégienne, Kletil Thorsen Trædal, réunir une équipe internationale et pluridisciplinaire et remporter le concours. D’un point de vue écologique, Snøhetta a su intégrer l’architecture et le paysage en un seul processus de conception et concevoir le projet comme un fragment de territoire, avec sa géographie, son climat, sa société plutôt que comme un objet. Aujourd’hui, 20 ans plus tard, la Bibliothèque a réveillé la culture cosmopolite d’Alexandrie et lui a rendu son rayonnement culturel.
L’achèvement récent de l’opéra d’Oslo (New National Opera House) fait écho à la Bibliothèque d’Alexandrie : voilà encore un objet métropolitain de dimension « xxl », comme le théorisait Rem Koolhaas, qui prend place avec tact dans une ville historique et une nature sublime.
Snøhetta est dirigé aujourd’hui par les quatre associés Trædal Kjetil Thorsen, Craig Dykers, Ole Gustavsen et Tarald Lundevall. L’agence compte aujourd’hui 120 collaborateurs et partage ses activités entre l’Europe, l’Asie et l’Amérique. La Bibliothèque d’Alexandrie a reçu le Prix de l’Aga Kahn en 2004. L’Opéra d’Oslo a reçu le Prix Européen Mies van der Rohe en 2009.
Troppo Architects, Australie
Troppo Architects a été fondé en 1989 par Phil Harris et Adrian Welke, dix ans après qu’une recherche d’étudiants leur ait fait découvrir le Top End, à la pointe nord de l’Australie. Darwin, la capitale, vit au rythme de son climat tropical à saisons sèche et humide. Le prototype de Troppo sera vite baptisé la Green Can, en hommage à la couleur et aux rondeurs d’une cannette de bière... Sur une ossature apparente légère, la maison se compose de deux ailes en enfilade, séparées par un corridor ouvert aux vents dominants, protégées du soleil par un double rang de vérandas, couvertes de toits de tôle largement ventilés. Le système repose sur l’évidement du centre, traité en lame de ventilation et de connexion entre extérieur et intérieur ; il permet de construire des maisons économiques, climatiquement confortables, facilement extensibles, économes en énergie. L’esthétique Green Can provoque, mais la proposition convainc. Une série de projets vont permettre à Troppo de développer, esthétique et économie liées, une « architecture en 10 points », fondée sur la légèreté constructive et la composition avec les éléments, vent, soleil et pluie. L’agence travaille avec les communautés aborigènes, pour des écoles, des maisons communes, travail précédé là aussi d’une étude attentive des traditions et du jeu avec le climat.
Junya Ishigami, Tokyo
Le jeune architecte Junya Ishigami fait irruption en mettant en question le minimalisme made in Japan. Son premier projet, le Facility building pour l’Institute of Technology de Kanagawa, sa ville natale, a été achevé en mars 2008. Le Facility en activité : les équipes délimitent leur « territoire » avec des plantes vertes et du mobilier, circulent, l’ambiance est fluide et active à la fois. Nous sommes loin du calme olympien des colonnades miesiennes. Le lieu est un outil autant qu’un espace, maniable, appropriable, rendu vivable grâce à l’irrégularité de la trame. Opaque ici, ouverte là, elle permet de loger des « bulles » d’activité. La critique japonaise la compare à une forêt de bambous creusée de clairières… Le Facility d’Ishigami n’aborde plus la complexité du monde comme un obstacle à réduire mais comme la réalité même du projet. La complexité est maintenant une richesse que l’architecture doit servir avec fluidité. Les serres créées pour le pavillon japonais de la Biennale de Venise explorent, elles, un nouveau champ de recherche : quel est le rôle de l’architecture, maintenant que l’homme ne peut plus prétendre ordonner la nature mais doit apprendre à vivre avec elle ?
Giancarlo Mazzanti, Bogota
L’urgence urbaine appelle à l’invention et c’est au Sud que l’on mène les expériences les plus innovantes. La ville de Medellin est devenue depuis 15 ans un des symboles de ce basculement. Le « Metrocable », créé par Giancarlo Mazzanti, est un réseau de tramways-funiculaires lancé sur les collines des favelas. Le réseau a désenclavé ces zones de non-droit et de non-ville. Ses stations ont servi de point d’appui pour combattre un travail d’irrigation attentif et continu, créant des places, sécurisant des voies, offrant aux habitants des espaces publics commodes et sûrs.
La seconde création de Mazzanti sont des Bibliothèques-Parcs, un réseau d’équipements culturels placés à des nœuds stratégiques (souvent en lien avec le Metrocable) pour ranimer la vie collective. Les Parque Bibliotecas offrent, outre des salles de lecture, des lieux de spectacle et des ateliers, des jardins publics et sûrs…La Biblioteca España construite en 2007 symbolise cet usage de la ville « comme ressource illimitée pour construire l’égalité ». Nous sommes dans une favela qui fut la plus dangereuse au temps des cartels et où la Ville a voulu implanter un lieu de reconquête.
Steve Baer, Albuquerque, Nouveau-Mexique, USA
Steve Baer sait construire des dômes géodésiques de ses mains et s’intéresse à l’énergie solaire. En 1969, il crée avec Barry Hickmann et Ed Heinz une petite entreprise de construction et de production de systèmes appelée Zomeworks, qu’il dirige toujours aujourd’hui. L’inventeur a créé son outil et va devenir l’un des fondateurs de l’architecture bioclimatique. Steve Baer, qui construit dès les années 60 des maisons « alternatives », laisse en effet de côté les structures exactes et magnifiques de Fuller. Il préfère des systèmes plus aisés à construire, à agréger, plus pragmatiques en un mot et adaptables aux habitants.
La création de Drop City, en 1968 à Trinidad dans le Colorado, symbolise aujourd’hui encore le premier éveil écologique américain. La communauté et ses « droppers » construisent avec Steve Baer un ensemble de lieux de vie composé de 3 coupoles puis des dômes-logements, réalisés en ossature bois et recouverts de tôle récupérée. Le modèle se répand et Steve Baer passe du dôme au zome, donc, une structure plus irrégulière. Son autre passion est l’énergie solaire. Les systèmes de Zomeworks, robustes, techniquement accessibles au commun des mortels, sont adaptés aux traditions américaines de l’Ouest, constructives mais aussi politiques : Zomeworks pense le futur d’une démocratie d’individus autonomes, chacun sur son territoire.
La Cité de l’architecture & du patrimoine accueille jusqu’au 5 septembre une exposition sur les lauréats de ce prestigieux prix d’architecture durable de 2008 à 2010.