Perdue dans un petit coin de cette grande maison, il est là et je l’apprécie ;
cet espace déjà existant s’est peu à peu transformé en mon antre ; les étagères des anciennes maisons ont comme par magie trouvé leur place dans ce minuscule bureau ; resté dans « son jus », il a peu à peu oublié les délires de l’ancienne propriétaire et est devenu mien ;
complètement et simplement la magie a opéré ; mon bureau s’est adapté à ma « way of life » un peu fantaisiste, un peu vagabonde, un peu bohème aussi parfois ; peu à peu les murs se sont remplis de livres, de boites (ah que j’aime les coffrets pleins de trésors accumulés) d’ objets qui n’ont de sens que pour moi ; des tiroirs mille fois décapés et maintenant cirés contiennent des petites corbeilles ou des pièces de vaisselle esseulées qui me permettent de ranger… bien grand mot !
seuls les livres de cuisine sont admis, les autres emplissent la bibliothèque familiale ou bien dorment dans des cartons à moins que l’une de mes donzelles n’ait pensé qu’ils seraient mieux entre les mains de lecteurs de la bibliothèque voisine…
ils sont pour la plupart en anglais, vestiges de mes années passées dans les Petites Antilles Britanniques ; véritable festival de la cuisine autour du monde, j’apprenais à cette époque à cuisiner indien, asiatique, malgache, mauricien… mes amies originaires de ces contrées lointaines y mettaient souvent leur grain de sel ;
j’aime ma tanière car de la manière la plus sure, j’y perçois le pouls de la maison toute entière ; proche de la cuisine, cette pièce centrale dans mes maisons, je les entends et je les devine ces têtes blondes en passe de devenir de jeunes adultes ; le fumet de mes préparations culinaires me ramène à la réalité et me permet de vérifier, de tester ou bien de prolonger mes cuissons ;
un autre guide vient de s’installer dans mon bureau ; elle aussi y a pris ses aises et je la vois souvent dresser son oreille et se relever pour me signifier qu’il est grand temps que je retire le plat du four ; jeune fille parfaitement bien élevée elle sait rester sur son quant-à-soi et ne pas déborder sur mes plate-bandes ; et même si la peau de panthère chassée par ma moitié d’orange jetée sur mon fauteuil de bureau l’attire intensément elle possède l’intelligence du cœur et ne la touche pas ; parfois lorsque les séances d’écriture durent plus que de coutume, je sens sa truffe humide et fraiche se poser sur mes genoux ; il est grand temps de partir à la découverte d’autres horizons et de sortir de ma « grotte » comme dit mon amie Papilles…