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La table fut dressée, en prenant soin de ne point écraser les jeunes pousses, dans l’herbe verte.
Les amis invités, restait à plonger dans l’ivresse de la chaleur retrouvée.
Au loin, les cimes délicates contemplaient l’œuvre de Bacchus.
Le vin coulait en des verres de cristal.
Les lèvres s’embrassaient avec avidité.
Tout n’était que soupir posé à la grâce du vent.
*
Les bruits de la folle course s’étaient dilués dans l’azur.
Il nous restait à déguster la compagnie des pages délaissées.
Elles venaient, par vague, alimenter les rêves amarrés au quai de nos attentes.
Le voyage commençait dès la couverture effleurée d’un doigt habile.
Le papier bible se laissait toucher avec volupté.
Les mots nous jaillissaient à la figure, bondissaient dans le pré chantant d’un printemps timide.
*
Envoûtés de ces voix parvenues d’outre-tombe, mais, ô, si vivantes et vibrantes, il nous fallait franchir les grilles, sauter par delà les parapets, démolir les barrières.
Libres de vivre à plein poumon de cet oxygène de vers et de proses alanguis, fleurs accrochées à la boutonnière du jour, le canotier sur l’oreille et les doigts légers, nous caressions nos espérances aux seins nus des saisons.
La volupté se décline en milliers de feuillets qu’un amour immense nous accorde de découvrir.
*
Nous sommes, dans cette lave, indiscrets passagers d’un navire en dérive.
Chaque jour nous laisse un peu plus amants, sous les bourgeons à peine éclos des lilas, pourpre éclatante au matin de nos insoumissions.
Manosque, 14 avril 2010
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