A la veille de la visite du colonel Kadhafi en France, l'ex-émissaire européen en Libye a affirmé que les négociations Paris-Tripoli sur les armements et le nucléaire avaient été décisives pour la libération des soignants bulgares, contredisant ainsi les autorités françaises. "L'élément décisif a été la disponibilité de la France à se prêter à une discussion, fondamentale pour le colonel (Mouammar) Kadhafi, sur les armements et le nucléaire", a déclaré Marc Pierini à l'Assemblée nationale devant la commission d'enquête parlementaire sur les conditions de cette libération.
M. Pierini a expliqué aux députés français que les autres Etats européens impliqués dans le processus de libération comme la Grande-Bretagne ou l'Italie ne répondaient pas "aux attentes" de Tripoli."Tout au long de cette affaire", Tripoli a demandé la libération du Libyen Abdel Basset Ali al-Megrahi, emprisonné en Ecosse pour l'attentat de Lockerbie (270 morts en 1988), qui "a toujours fait l'objet d'un refus" de Londres. Cette revendication "ne pouvant aboutir, la Libye a regardé ailleurs", a-t-il estimé. "Le colonel Kadhafi connaît très bien" le chef du gouvernement italien Romano Prodi, mais "M. Prodi n'a pas de centrale nucléaire à vendre", a-t-il ajouté.M. Pierini, promu ambassadeur de l'UE à Ankara, a participé à tout le processus qui a permis la libération le 24 juillet des 5 infirmières bulgares et du médecin palestinien incarcérés depuis 1999 et condamnés à mort sous l'accusation d'avoir inoculé le virus du sida à des enfants libyens.Les infirmières, premières personnes auditionnées par la commission, lui ont d'ailleurs rendu un hommage appuyé.
Il a indiqué avoir signé le 15 juillet à Tripoli un accord d'indemnisation d'un montant de 460 millions de dollars, précisant que cette somme a été "avancée" par la Libye. Pour l'instant, seule la Bulgarie a contribué, pour 56,6 M de dollars, au remboursement. Il a révélé n'avoir aucune trace d'une contribution du Qatar, alors que celle-ci avait évoquée dans cette affaire.
Il a insisté sur le rôle de Cécilia, ex-épouse du président français, tout en soulignant que Bruxelles n'avait pas été informé de son premier voyage à Tripoli le 12 juillet. "Je n'étais pas du tout partie (prenante) à cette discussion, mais il était tout à fait clair pour moi qu'elle était un ingrédient tout à fait indispensable" aux yeux du colonel Kadhafi "pour clôturer cette affaire" a-t-il dit. C'est un avion français qui a ramené les soignants en Bulgarie avec Mme Sarkozy et la commissaire européenne aux Relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner à son bord.
RAPPEL: Nicolas Sarkozy et son gouvernement ont affirmé à plusieurs reprises qu'il n'y avait eu "aucune" contrepartie à cette libération.Le conseiller diplomatique de l'Elysée, Jean-David Levitte, a également nié la semaine dernière devant cette commission que les accords signés à Tripoli lors de la visite de M. Sarkozy le 25 juillet aient été liés à l'élargissement des ex-otages.