Disons-le d’emblée, la réforme des retraites ne peut être abordée
sous le seul angle de paramètres techniques de financement. Elle relève d’abord d’un choix de société. Elle doit permettre de prendre en compte les mutations de la société et les attentes des
Français vis-à-vis des temps de la vie. L’évolution des structures familiales, les changements du monde du travail, l’éclatement des carrières et des parcours professionnels obligent,
pour mieux en garantir l’efficacité, à redéfinir les contours d’un système de protection sociale conçu dans un environnement économique et social radicalement différent.
Largement grâce aux politiques publiques mises en oeuvre dans le cadre de l’Etat social, la France a pu mieux que d’autres résister dans les périodes de turbulence ; mais elle a surtout su
s’appuyer sur les protections existantes pour trouver des ressorts nouveaux, offensifs, pour affronter les mutations en cours, par exemple en maintenant une croissance démographique dynamique (le
taux de fécondité en France est de 1,9 contre 1,5 en moyenne en Europe, et pourrait continuer de progresser). Face aux idéologues libéraux qui veulent profiter de la période pour affaiblir les
politiques sociales collectives, il faut rappeler que la généralisation de la protection sociale a été déterminante pour faire des individus des citoyens indépendants et libres.
Le vieillissement de la population représente assurément l’une des tendances lourdes des dernières années. Ce vieillissement résulte à la fois du caractère nombreux des
générations nées après guerre et de l’allongement de l’espérance de vie. Ce phénomène est particulièrement marqué dans notre pays : en 1970 un homme pouvait espérer vivre jusqu’à 68,4 ans et une
femme jusqu’à 75,9. Aujourd’hui, l’horizon est respectivement de 77,8 ans et 84,5 ans. Mieux encore, cet allongement de la durée de vie ne s’accompagne pas d’une dégradation de l’état de santé
global de la population : les Français sont plus nombreux à vivre vieux et en bonne santé. C’est une bonne nouvelle. Les séniors doivent être mieux considérés dans notre société, leur rôle, leur
contribution sociale, associative ou familiale, constituent des atouts majeurs trop souvent sous-estimés.
Avec le vieillissement de la population, un nombre croissant d’entre eux sera néanmoins confronté à une perte d’autonomie : une société digne est une société qui ne laisse pas ses aînés sur le
bord du chemin. La gauche est la première à avoir engagé pour eux une politique d’aide vigoureuse en créant l’allocation personnalisée d’autonomie.
Une nouvelle étape devrait être franchie, qui permette de prémunir tous les Français confrontés au risque de dépendance. Alors qu’il l’annonce depuis des années comme l’une des grandes réformes
du quinquennat, le gouvernement n’a cessé de la repousser. Pour les socialistes, cette réforme est urgente et devra reposer sur un financement solidaire. Nous pensons que c’est
prioritairement sur la CSG que celui-ci doit reposer. Les 30 dernières années ont connu une amélioration du niveau de vie moyen des personnes retraitées, grand acquis directement
imputable aux politiques sociales. Entre 1970 et 2006, le nombre des plus de 65 ans vivant en dessous du seuil de pauvreté a été diminué par 3,5. Il y a cependant, aujourd’hui encore, environ 900
000 pauvres de plus de 60 ans. Si le niveau de vie moyen des retraités par rapport à celui des actifs est de 96% en 2007, des inégalités importantes entre les catégories sociales et entre les
sexes subsistent néanmoins (il y a deux fois plus de femmes que d’hommes âgés pauvres).
Au cours des dernières décennies, notre système de protection sociale a permis la réduction des inégalités dans notre pays, mais cette évolution est aujourd’hui remise en cause par l’effet des
réformes Balladur et Fillon et par la précarisation du travail et le caractère haché des carrières. Pour qu’une réforme des retraites soit juste, elle doit garantir des niveaux de
retraites décents et permettre la réduction de ces inégalités persistantes.
Le monde du travail a également subi de grandes mutations. Le modèle de carrière linéaire réalisé au sein d’une même entreprise ou d’un même secteur d’activité n’est plus dominant. Les ruptures
de parcours sont fréquentes, aboutissant souvent à des réorientations complètes d’activité ; les passages entre la fonction publique, le secteur privé et une activité indépendante sont plus
nombreux qu’autrefois : on comptait déjà en 2004 38% de polypensionnés et cette proportion devrait continuer de s’accroître. La fragmentation des parcours professionnels et la généralisation de
l’insécurité professionnelle ajoutées à la complexité des histoires familiales et personnelles aboutissent à diversifier les aspirations, aussi bien tout au long de la carrière que face au départ
en retraite.
Source : PS