Le Cattive Madri (Les Mauvaises Mères), Giovanni Segantini, 1894.
C’est une peinture saisissante que cette oeuvre de Giovanni Segantini, un des grands noms du mouvement divisionniste italien. Elle montre la deuxième étape de ce mouvement pictural qui s’était d’abord intéressé à l’aspect social de la vie, naturaliste pour les sujets, puis qui a viré dans un deuxième temps sur le versant symboliste, pour finir par le pointillisme et donner naissance au Futurisme.
Ici, les mauvaises mères sont suspendues aux arbres, comme des suppliciées, le corps tordu et l’enfant (vivant) accroché au sein tel un vampire. D’après mes informations, le peintre aurait voulu ici montrer le châtiment des mères peu aimantes, et les aurait ainsi placées dans cet endroit glacé et désert. Mais ce qui est étonnant, c’est que cette punition, qui ressemble tant à l’expiation imposée par la religion chrétienne, serait en fait inspirée chez le peintre par la religion/philosophie bouddhiste, à laquelle le peintre s’intéressait beaucoup, et selon laquelle le flottement symboliserait l’absence de repos, la peine éternelle…
Vous n’imaginez pas le nombre d’explications psychanalytiques qui se sont empressées de lire dans ce tableau le trauma du peintre (il a perdu sa mère à cinq ans=il se sent abandonné pour toujours), voire le signe avant-coureur de son futur décès que certains considèrent comme un suicide camouflé (fantasme de mère qui vivrait tout de même donc mort de soi-même)…
Reste surtout une oeuvre magnifique, joignant le beau à l’effroi, dans des arabesques torturées qui laissent tout l’élan à l’interprétation…
Source : Le livre (en anglais !!!) Radical Light, Italy’s Divisionist Painters.