L'Entreprise des Indes, roman d'ERIK ORSENNA

Publié le 26 mai 2010 par Mpbernet

L'auteur nous donne chaque année ou presque un nouveau roman, et présente ainsi son dernier livre :

"J’ai voulu m’attacher à cette période peu connue de l’histoire de la curiosité humaine. Ce moment où naît une nouvelle liberté en même temps que se développe l’Inquisition et que les Juifs sont chassés. Ces années où se conçoit peu à peu l’unité de la planète, préalable à la première mondialisation, qui ne va plus tarder.
Pour ce faire, j’ai osé donner la parole au jeune frère, Bartolomé. C’est lui qui parle, c’est lui qui raconte : il est complice, et premier témoin de l’Entreprise depuis ses tout débuts. C’est aussi lui qui s’interroge : pourquoi, et comment, cette belle passion de la Découverte s’est-elle changée en génocide des Indiens ? À quoi sert de découvrir si l’on tue ce et ceux que l’on découvre ? »

Curieusement, cette histoire répond aussi au roman de Catherine Clément "Dix mille guitares" et on y voit aussi, furtivement, passer un rhinocéros. Comment ne pas penser à l'extraordinaire accélération de la connaissance qui saisit les hommes de la Renaissance en ces temps de grandes découvertes...Tout comme nous aujourd'hui devant les prouesses technologiques d'un téléphone portable ou de la recherche médicale ? Mais Orsenna, économiste spécialiste des négociations bilatérales et des circuits des matières premières, est aussi un philosophe. Il met donc en parallèle les progrès inouïs de la connaissance humaine et, dans le même temps, la permanence de la cruauté et du mépris pour ceux qui ne sont pas admis en tant qu'êtres humains.

Nous voici donc dans l'intimité des deux frères Colomb, génois arrivés à Lisbonne, Bartolomé raconte comment il devient cartographe, et comment il vit pour et par son frère aîné, le navigateur. Puissance des livres, recueil de toutes les informations dès l'accostage de chaque bateau, pour affiner les plus infimes détails des cartes, des portulans, des atlas. L'obsession de Christophe, c'est la largeur  de l'Asie et par déduction, le nombre de miles qui la séparent de Lisbonne, en partant à l'ouest. C'est donc d'abord dans les livres qu'il étudie la faisabilité de son Entreprise, des livres qu'il annote sans trêve :"Pour bien lire, j'ai besoin d'écrire. L'écriture est le guide, le garde-fou des pensées déclenchées par la lecture. Sans guide, sans garde-fou, les pensées, je les connais, elles s'en vont n'importe où et ne reviennent jamais."

Mais ce livre-là est aussi une réflexion sur le vieillissement, la fin de la vie, la tristesse et la vanité de l'intolérance, l'âpreté de l'âme humaine. Avec humour et légèreté, un style éblouissant de clarté, des images superbes.....qui vous transportent au delà de l'Océan, dans la touffeur d'Hispaniola, aux Indes que sont les Amériques...

Comme dit Erik Orsenna (p.218) : "pour accroître l'intelligence chez les hommes, les livres valaient bien les bateaux, et la lecture, le voyage."

L'Entreprise des Indes, Roman d'Erik Orsenna (de l'Académie Française), 392 p. Editeur : Stock/Fayard, 21,50€