Je tiens avant tout à préciser que ce billet ne sera pas consacré à mes nombreuses partouzes sadomasochistes dominicales avec des nonagénaires incontinents sous pilule bleue.
Les goûts et le caractère se forgent principalement pendant l’enfance. Il n’y a pas si longtemps, lorsque j’étais petit, un joli petit chérubin tout blond, mes parents m’ont exporté chez mes grands parents maternels car leur couple battait de l’aile. Ma mère trouvait inconcevable que je vive au beau milieu de la guerre des Roses. Elle a donc prétexté des difficultés respiratoires. Mon dieu, son fils unique faisait un bruit de pot d’échappement tout pourri en respirant. Il fallait réagir au plus vite en m’envoyant dans un pays magique magique à l’air le plus pur possible. Pas dans le village dans les nuages ni à Katmandou. Nan. Juste au beau milieu du massif central non loin de la Bourboule. J’ai donc vécu quelques temps au pays de la Chiraquie, dorloté par mes grands parents maternels. N’ayant ni frère, ni sœur, ni cousin, ni cousine, mes seuls interlocuteurs ont longtemps été des personnes âgées. Oh oh, c’était ça le bonheur. Maison de retraite 1 point, jardin d’enfant 0 point.
Les mercredis, je me retrouvais choyé par sœur Thérèse-Monique (si si, ce prénom existe bien). Ma grand-mère souhaitait me donner une éducation religieuse et je passais une journée par semaine au couvent. Ces journées étaient ludiques. Nous apprenions à lire et écrire et les bonnes sœurs en folie nous racontaient des histoires incroyables tirées de l’ancien testament. Tous les mômes étaient captivés car tout n’était que bagarre et castagne. La Bible, c’était de la balle. Lorsque nous étions sages, nous avions le droit à un roudoudou ou à une glace à l’eau. L’ambiance n’était toutefois pas top foufoune et l’ensemble de nos interlocuteurs avait largement dépassé la soixantaine. Maison de retraite 2 points, jardin d’enfant 0 point.
Quelques années plus tard, ma mère avait refait sa vie à Paris et travaillait à l’hôpital Tenon. Mes problèmes respiratoires avaient miraculeusement disparu (Alléluia, merci petit Jésus). Ses horaires étant variables, une nounou était indispensable. A la mort de mon grand-père, ma grand-mère s’est donc occupée de moi. Pendant les vacances scolaires, nous partions visiter une ville en France ou à l’étranger. Je garde de formidables souvenirs de cette période même si l’ambiance était très Jacques Lantier (le vieux chanteur aux cheveux teints en noir jais, pas le personnage de la Bête humaine) ou Pascal Sevran (le vieux pédé qui n’aime pas les noirs). Maison de retraite 3 points, Jardin d’enfant 0 point.
Lorsque j’ai débarqué au collège, mes professeurs étaient de vieilles biques desséchées. Même constat au lycée. Je commençais cependant à m’émanciper. Il était temps. Je commençais à sortir le soir avec mes amis (ouhlala c’était la fête). Maison de retraite 4 points, sorties avec potes 1 point.
Pendant mes études, je me souviens avoir travaillé en rééducation neurologique à la Pitié-Salpêtrière. Imaginez un long couloir au sol collant et aux chambres vétustes remplies de vieux aussi vifs qu’un champ de courges. Entre deux et quatre personnes étaient disposées dans chaque pièce, aucune consciente. Nous passions la nuit à changer les draps, faire des toilettes ou mettre des couches aux vieux patients. Lorsque le stock de couches était utilisé, la consigne était d’en fabriquer avec des sacs en plastique et des alèses. Le personnel était en sous-effectif et démotivé. Il y avait bien longtemps que les crédits n’étaient plus accordés à ce genre de service, apparenté à un mouroir pour pauvres. On s’occupait de légumes baveurs et les moyens étaient très limités. Les familles ne se rendaient au chevet de leur parent uniquement lorsque leur fin était proche afin de planifier un rendez-vous chez le notaire. Entre temps, leur vie ressemblait au vide intergalactique. Maison de retraite 772.417.247.817 points, soirées étudiantes 2 points.
Je me souviens également d’autres personnes âgées, dans d’autres services. Les moyens étaient présents car les patients souffraient de maladies médiatiques. Mais se taper une saloperie ne signifie malheureusement pas être entouré de proches. Les familles étaient parfois inexistantes. Dans d’autres cas, les n’avaient pas le courage d’affronter la réalité et d’être violement confrontées à la mort. Les malades se retrouvaient donc seuls. Ils survivaient dans des chambres vides et froides, sans extra généralement fournis par un conjoint ou un descendant. Les personnes avec qui j’ai eu la chance de travailler étaient la plupart du temps aussi exotiques que moi. Notre tache n’était pas facile. Il fallait veiller sur le malade, lui administrer ses traitements et surtout lui faire prendre conscience que nous étions à sa disposition et qu’il n’était pas seul. Entre deux tours de garde, nous passions notre temps au chevet de ces personnes. Personne n’était naïf. Elles savaient qu’elles allaient mourir et ne souhaitaient parfois que serrer très fort une main, parler de tout et n’importe quoi ou pleurer un bon coup avant de partir. Dur dur. Maison de retraite 1.677.652.376.153.652.772.417.247.817 points (same player shoot again), soirées étudiantes 137 points.
Et en cette période de fête, la solitude des personnes âgées me touche profondément (ouhla, cette dernière phrase pourrait sortir de la bouche d’une Miss France entre “la guerre c’est mal, la paix c’est bien” et “je suis étudiante en BTS communication”: qui passe à la maison samedi soir assister à mon sacre?). C’est très certainement une des raisons qui me rendent triste. Entre abandon, délaissement et maltraitance physique ou morale, le destin d’un vieux n’est pas ragoûtant. Cependant, mon attachement et mon respect pour les personnes âgées ne me fait toutefois pas oublier les vieux cons et les mamies puputes qui passent leur temps à griller tout le monde au supermarché, attendent systématiquement les heures de pointes pour se rendre à la banque ou à la poste, se transforment en Taties Danielle sataniques, les vieux voyeurs, les vieux colporteurs de ragots ou celles et ceux qui prennent un malin plaisir à montrer leur carte prioritaire dans les transports en commun. Carte vermeille 0 points, Miss France 87.878.877.878.888 points.
Trop bon ne rime pas forcément avec trop con, bordel.