"Nouveau voyage au centre de la Terre" de Vincent Courtillot

Publié le 25 mai 2010 par Francisrichard @francisrichard

Sans la pétition des scientifiques qui s'en prenait fin mars à Claude Allègre et Vincent Courtillot [voir mon article Allègre et Courtillot cloués au pilori par des confrères "scientifiques" ], aurais-je lu le livre de Vincent Courtillot paru à l'automne chez Odile Jacob ici ? Rien n'est moins sûr. Aujourd'hui je ne peux qu'être reconnaissant à ces scientifiques - bien susceptibles - de m'avoir incité, grâce à leur intolérance à l'égard de deux de leurs confrères, à suivre le Directeur de l'Institut de Physique du Globe de Paris ici dans ce nouveau voyage au centre de la Terre qu'il nous propose.

Déjà l'attitude du CNRS à l'encontre du géophysicien m'avait, par contre-coup, bien disposé à son égard [voir mon article Le "climato-sceptique" Vincent Courtillot censuré par le CNRS ]. Il aura fallu cette dernière et massive malhonnêteté intellectuelle pour que je fasse le dernier pas. En effet, si j'ai lu comme tous les gamins de mon époque, le  Voyage au centre de la Terre de Jules Verne, dont des citations sont mises en exergue au début de chaque chapitre du livre de Courtillot, je reconnais que je suis davantage féru d'histoire que de géographie, voire de préhistoire que de géophysique. Mais après cette lecture je reconnais humblement que j'avais tort de ne pas m'intéresser davantage à la surface - autrement qu'en touriste - et aux entrailles de la Terre. Je le fais d'autant plus volontiers que, de manière inattendue pour moi, la préhistoire et la géophysique se révèlent finalement être étroitement liées.

A propos de la dérive des continents, qui, d'hypothèse avant la seconde guerre mondiale, s'est vue confirmée dans l'immédiate après-guerre par une connaissance toujours plus grande du fond des océans, Vincent Courtillot écrit :

"La plupart des personnes âgées de plus de 50 ans (dont l'auteur fait partie) [de même que votre serviteur] n'ont jamais appris cette histoire au cours de leurs études secondaires. Les plus jeunes l'ont en revanche tous apprise sur les bancs de l'école. La révolution de la "tectonique des plaques" était passée par là."  

C'est donc à un voyage dans un domaine en grande partie nouveau pour moi auquel Vincent Courtillot  invite le lecteur dans ce livre richement illustré de photos et de représentations graphiques. Jusque là je n'avais que des bribes de connaissances sur l'intérieur de notre planète. Le premier mérite du livre est donc de rassembler les éléments d'un puzzle que, comme d'autres assurément, j'avais un peu de mal à mettre en place, tout en sachant, comme le dit l'auteur à plusieurs reprises, qu'il reste énormément d'incertitudes sur le sujet et donc de nombreux objets de recherche.

L'ingénieur mécanicien de formation que je suis a été heureusement surpris d'apprendre que le globe sur lequel nous vivons était à la fois une machine thermique et une dynamo. La Terre en effet se refroidit depuis le début de son existence, il y a 4,5 milliards d'années, et il est intéressant de savoir comment les échanges de chaleur se font depuis le centre jusqu'à l'extérieur. Le champ magnétique que l'on peut observer en surface est produit par cette gigantesque dynamo et il est remarquable que ce champ change d'orientation au cours du temps et s'inverse même à certaines périodes, comptées en millions d'années.

Le livre explique comment on en est arrivé à échafauder des hypothèses, pour partie vérifiées aujourd'hui, sur la composition interne de la Terre et son fonctionnement. C'est ainsi que la Terre doit se composer en son centre d'un noyau solide, la graine, entouré d'un noyau fluide, en fusion. Entre ce noyau fluide et le manteau inférieur, il y a une couche limite, D", qui joue un rôle important dans les échanges de chaleur. Deux autres couches limites séparent le manteau inférieur du manteau supérieur et le manteau supérieur de l'atmosphère, dans ce dernier cas la lithosphère. Enfin les plaques océaniques et continentales, séparées par des failles, qui constituent cette lithosphère, se livrent à un ballet en surface.

Au cours du temps - on parle toujours de millions d'années - les échanges de chaleur se font dans le manteau supérieur vers la surface sous la forme de convections, créant des dorsales, et dans l'autre sens sous forme de subductions. Des panaches remontent depuis le noyau externe vers la croûte contre laquelle ils viennent s'écraser. Quand la croûte est percée par un de ces panaches un point chaud apparaît. Quand à partir de ce point chaud de gigantesques coulées de laves basaltiques se répandent en plusieurs couches successives, il y a formation de traps. Le traps du Deccan en Inde se serait formé à partir du point chaud de la Réunion, avant que l'Inde ne dérive à 4500 km de là et n'entre en collision avec l'Asie, il y a 65 millions d'années...

Le plus extrordinaire est qu'il y a coïncidence de l'apparition de traps avec l'extinction massive d'espèces. Sans remettre totalement en cause la thèse selon laquelle les dinosaures auraient disparu après l'impact d'une météorite sur la Terre, qui a pu en quelque sorte donner le coup de grâce, Vincent Courtillot est de plus en plus convaincu que les traps avec leurs phénoménales injections dans la biosphère de soufre et d'acides sont les responsables des extinctions massives et successives d'espèces, observées par les paléontologues aux mêmes dates, et à l'origine de fortes modifications du climat : refroidissements de l'atmosphère, dus aux émissions de cendres, à côté desquels le refroidissement dû au Laki en 1783 paraît minime, et réchauffements tout aussi importants dus à des émissions de CO2 par ce volcanisme inimaginable.

En connaissance de cause, tout en restant humble, Vincent Courtillot reproche donc finalement au GIEC d'avoir écarté un peu trop rapidement les causes naturelles qui agissent sur le climat, et notamment celle, primordiale, du soleil. Il pense en outre que les problèmes auxquels sont confrontés les scientifiques sont complexes quant il s'agit de la Terre et que, pour les résoudre, il convient de recourir à des équipes pluridisciplinaires, comme il en donne d'ailleurs l'exemple au sein de l'Institut de Physique du Globe :

"Un expert des modèles numériques du climat qui n'a pas une expertise de l'acquisition des données d'observation et de leurs incertitudes ou un géochimiste qui a contribué à la compréhension des cycles de Milankovic, mais qui n'a pas travaillé sur la climatologie à l'échelle beaucoup plus courte du dernier siècle sont-ils plus compétents que des géomagnéticiens spécialisés dans l'observation et le traitement des séries de ces observations à l'échelle du siècle, mais qui ne s'étaient pas auparavant attaqués au climat ? La réponse va de soi : on a besoin de toutes ces compétences, de manière croisée, critique, pluridisciplinaire et sans exclusion."

Francis Richard

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